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MAYOTTE, LE PASSE ET L'AVENIR

MAYOTTE, LE PASSE ET L'AVENIR
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MAYOTTE, LE PASSE ET L'AVENIR
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30 juin 2006

CE QUE PREVOIT LE NOUVEAU STATUT DE MAYOTTE...

Le nouveau statut de Mayotte vise à mettre fin à vingt-cinq ans d’incertitude pour l’île aux Parfums. Depuis 2004, l’exécutif est transféré du préfet au président du conseil général avec un caractère exécutoire à partir de 2007. Les dix-sept communes, encore soumises à la tutelle du préfet, verront leurs compétences élargies et leurs ressources financières accrues. Le texte organise également le développement économique de l’île, avec notamment la création d’un fonds mahorais de développement :

  • l’égalité des sexes est renforcée
  • le droit des femmes à travailler et à disposer de leur salaire est affirmé
  • la responsabilité de juger les conflits civils sera transférée vers les juridictions de droit commun, les "cadis" exerçant désormais les fonctions d’assesseurs ou de médiateurs
  • le régime fiscal particulier de Mayotte prendra fin en 2007
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30 juin 2006

CHRONIQUE D'UN STATUT

En 1976, Mayotte devient Collectivité Territoriale de la République Française sur la base de l'article 72 de la Constitution. Son organisation est fixée par la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976, puis Collectivité Départementale (Collectivité à vocation Départementale) après un référendum du 2 juillet 2000. Mayotte est représentée par un député et deux sénateurs au Parlement, et dotée d'un Conseil général (19 conseillers) élu au suffrage universel direct.

Un Représentant du gouvernement, qui a rang de préfet, est nommé en conseil des ministres. Il est l'organe exécutif de la collectivité et a en charge les intérêts nationaux, le contrôle administratif et le respect des lois. Il assure également l' exécution des décisions du Conseil général. Ce statut temporaire n'est ni celui d'un département d'outre-mer ni celui d'un territoire d'outre-mer. L'île est divisée en 19 cantons et 17 communes. Chacune est administrée par un conseil municipal présidé par un maire élu au suffrage universel.

Les délibérations sont soumises à l'approbation du représentant du Gouvernement. Un tribunal de première instance, un tribunal supérieur d'appel, et un tribunal administratif siègent à Mayotte. Entre 1989 et 1998, le Parlement a autorisé le recours à la procédure des ordonnances pour introduire à Mayotte, avec les adaptations nécessaires, de nombreux textes sur la justice, l'environnement, la santé publique, l'urbanisme, le code du travail, les assurances, etc... Le droit mahorais a été ainsi actualisé et modernisé.

La loi de 1976 modifiée en 1979 organisant la Collectivité Territoriale a prévu une consultation des Mahorais sur la question statutaire. Des discussions ont été engagées, en décembre 1998, avec les formations politiques mahoraises en vue de la tenue de cette consultation.

Française depuis 1841, Mayotte vivait, statutairement, dans le provisoire depuis son refus d'intégration dans la République Fédérale Islamique des Comores (devenue depuis peu Union des Comores) en 1975, et son affirmation réitérée de demeurer dans la République. La loi n°76-1212 du 24 Décembre 1976, qui constituait Mayotte en Collectivité Territoriale, avait prévu que la population mahoraise serait consultée dans un délai de trois ans, sur le maintien de ce statut, la transformation de l'île en DOM ou éventuellement, l'adoption d'un statut différent. Une nouvelle loi datant de 1979 prorogea de cinq ans le délai pour le choix d'un nouveau statut. En 1996, le gouvernement chargea à un groupe de travail, placé sous la présidence du préfet de l'époque, Mr François Bonnelle, de réfléchir à l'avenir institutaire de l'île. Un autre groupe de réflexion complémentaire, présidé par Philippe Boissadam, travaillera en parallèle. Après des mois de travaux, on aboutit à l'élaboration d'un texte d'un nouveau statut: la Collectivité Départementale, une collectivité territoriale à vocation départementale. Ce texte, qui bouleversera la classe politique mahoraise, sera adopté par la grande majorité des Mahorais lors d'une consultation le 2 Juillet 2000.

30 juin 2006

ZENA M'DERE

À la richesse des origines culturelles de la femme mahoraise intégrant des composantes africaines et malgaches, sont venus s’ajouter différents apports sémites, austronésiens et européens lui conférant une spécificité identitaire qu’elle n’a jamais cessé de revendiquer tout au long de ce siècle. Et, malgré l’islam prééminent, il émane de la femme mahoraise la puissance ancestrale de la terre africaine, sa chaleur, son impétuosité.
Alors que son statut religieux aurait dû la maintenir dans l’ombre, dans l’allégeance aux hommes, elle s’est forgée une destinée de combattre exceptionnelle qui a fini par entraîner l’adhésion de la population toute entière.

En 1966, Mme Zéna M’déré revient à Mayotte, son île natale, après plusieurs années passées sur les côtes Nord et Nord-Ouest de Madagascar. Elle a longtemps exercé la profession de " foundi ", enseignante d’école coranique. Cette position lui conférait une certaine autorité que ne manqueront pas d’exploiter à leur profit les femmes de Mayotte lorsqu’elles décideront de prendre leur destin en main.

Zéna M’déré  va alors incarner la lutte de ses sœurs humiliées, simples ménagères, agricultrice maîtresses coraniques ou petites commerçantes, illettrées en français dans la plupart des cas, celles à qui on ne reconnaît même pas le pouvoir de comprendre la misère de leur condition sociale et culturelle, celles qui voient partir pour la Grande Comores leurs époux fonctionnaires et qui savent que la polygamie leur permettra de se remarier ailleurs, d’élever d’autres enfants et d’oublier ceux qui sont a Mayotte.

Lorsque les femmes expliquent leur problème au ministre Ahmed Sabili, celui-ci leur rétorque avec le plus profond mépris : " bientôt, pour clamer vos ardeurs, il faudra vous mettre du gingembre et du piment dans la chouchoune ! " Cette insulte de trop va déchaîner leur colère et les inciter à engager le combat contre les membres du Gouvernement avec des moyens qui leur éviteront, malgré tout, les sanctions de la justice : " on va les chatouiller et ainsi, ils ne viendront plus nous narguer sur notre île !? " Aucune peine de prison n’est prévue contre les chatouilles.

Cette idée géniale va faire son chemin et bientôt, la première " victime " sera le Ministre Mohamed Dahalane en visite à Mayotte. Ridiculisé, il reprend l’avion pour Moroni où il provoque l’hilarité générale en rencontrant sa mésaventure mahoraise. Ses collègues ne croient pas qu’une telle chose soit possible et, au fil des mois, chaque politicien de Moroni se rend à Mayotte où il se fait " accueillir " par le Commando des Chatouilleuses.

Ahmed Sabili lui-même, celui par qui le " scandale " avait débuté, ayant décidé de rejoindre Moroni, sera attendu à l’aéroport par des centaines de femmes en furie. Elles lui arrachent la moitié de ses vêtements et le soumettent au supplice de la chatouille en criant : " Tu es Mahorais, reste ici pour lutter avec nous !.. ". Mortifié, Ahmed Sabili attendra plus de six ans d’oser revenir à Mayotte.
En 1976, à l’issu d’une seconde consultation de ses habitants, qui choisiront leur maintien dans la France, Mayotte deviendra une collectivité territoriale.
Zéna M’déré vivait à Pamandzi, sur la petite Terre de Mayotte. Pratiquement infirme, elle habitait dans une modeste case bordée par petit Jardin. Elle est restée pauvre comme au temps de sa jeunesse, suscitant à jamais le respect et l’admiration de tous les Mahorais...

Mayotte en deuil

Cette grande figure de l'histoire de Mayotte s'est éteinte dans la matinée de 27 Octobre 1999 d'un crise cardiaque à l'âge de 82 ans, à l'hôpital de Dzaoudzi. Elle a été à la tête du combat pour Mayotte Française. Dès l'annonce de la nouvelle, beaucoup de gens se sont rendus à son domicile pour exprimer toute leur peine.

Le préfet de l'époque Pierre Bayle , Bamana, et le sénateur ont rendu hommageà cette femme dans toutes les médias de l'île aux parfums. Elle a été médaillée officier de l'ordre national lors du 14 juillet 1999.

30 juin 2006

MAORE FARANTSA (MAYOTTE FRANCAISE)

L'histoire de Mayotte est riche d'enseignements sur la valeur des engagements de l'État. 
En effet, la loi du 24 décembre 1976 a doté Mayotte d'un statut de "Collectivité Territoriale de la République". L'article 1er de ladite loi disposait que ce statut était provisoire et que la population mahoraise devait être consultée au terme d'un délai d'au moins trois ans sur trois options:

  • le maintien du statut de Collectivité Territoriale

  • la transformation de l'île en DOM

  • ou l'adoption d'un statut différent

Une seconde loi, en date du 22 décembre 1979, prorogeait le statut de collectivité territoriale et ouvrait un nouveau délai de cinq ans avant une consultation de la population, sur les mêmes options. Force est de constater que plus de vingt années plus tard, et malgré les revendications départementales incessantes des élus de la collectivité territoriale, les gouvernements successifs se sont bien gardés de mettre en action le processus qui aurait pu conduire à cette évolution institutionnelle. Aujourd'hui le référendum promis avant l'an 2000 s'est déroulé le 2 juillet 2000, et la population a opté pour le statut de " Collectivité Départementale".

Maoré Farantsa (Mayotte Française)

Le 12 février 1976, le rédacteur en chef du journal Le Monde, André Fontaine, faisait publier une " Tribune libre " que lui avait adressée Pierre Pujo, le directeur de l'hebdomadaire Aspects de la France. Celui-ci avait choisi une forme inattendue, le conte caustique, pour sensibiliser l'opinion des Français de l'hexagone, sur les déboires d'une population qui devait livrait un combat sans merci pour rester française : " Il était une fois une petite île de l'océan Indien qui vivait sous le drapeau de la France depuis cent trente ans. Ses quarante mille habitants se trouvaient bien ainsi et croyaient que cela ne cesserait jamais. Cependant la France, qui était loin et ressentait un peu de lassitude de sa longue et glorieuse histoire, entreprit un jour de se séparer d'eux. Non sans leur adresser d'ailleurs des paroles qui se voulaient réconfortantes : " je vous aime bien, leur dit-elle, l'attachement que vous manifestez pour moi me touche profondément, mais je ne peux pas vous garder. Cela me donnerait des soucis et, des soucis, j'en désire le moins possible… Au surplus, je ne saurais aller à l'encontre du grand principe de décolonisation, lequel doit faire nécessairement le bonheur des peuples.

Le tiers-monde exige que vous soyez décolonisés et je ne vais tout de même pas me brouiller avec lui " pour une affaire aussi dérisoire " que le sort de quarante mille citoyens français, comme l'a écrit M. de Guiringaud, mon représentant à l'ONU. Vous serez donc intégrés dans le nouvel ɴat qui sera indépendant. S'il vous fait subir une oppression intolérable, ne vous inquiétait pas, vous pouvez comptez sur mon soutien moral... "
Tel était le langage que tenait à peu près la France, du moins ses représentants officiels, aux habitants de la petite île. Ces derniers en furent dépités mais ne s'estimèrent nullement convaincus. Ils répondirent à la France:"vous n'avez pas le droit de nous abandonner. L'État auquel vous voulez nous rattacher n'a jamais existé... Nous avons toujours été des citoyens français loyaux. Allez-vous nous livrer à l'oppression de nos voisins qui veulent s'installer sur nos terres ? Ne pouvons-nous plus compter sur vous pour nous défendre ?" ...

Cependant la France continuait à ne pas écouter les habitants de la petite île: il fallait être fou pour vouloir rester Français à l'époque ! Elle commença ses préparatifs de départ. Mais ils criaient toujours plus fort: " nous voulons être Français pour être libres ! " Pour crime de fidélité à la France ils subirent toutes sortes de brimades et de vexations de la part des autorités locales soutenues par les fonctionnaires français; plusieurs habitants furent même emprisonnés. Et voici qu'un jour, la France consentit enfin à prêter attention aux cris qui lui parvenaient à 10 000 kilomètres de distance. Elle dit à la population de la petite île: "vous y tenez vraiment à rester Français ? Nous allons voir ça !" Une consultation populaire avait exprimé cette volonté, mais la France ne l'avait pas estimé suffisante. Elle organisa un second référendum...

Arriva le jour de vote: les habitants confirmèrent de façon éclatante leur volonté de demeurer Français. Alors la France décida de garder cette île un peu bizarre qui s'accrochait obstinément à elle et ne voulait rien connaître du sens de l'histoire. Mayotte, la Française avait enfin gagné; du moins le croyait-on fermement en 1976.

Un cas particulier de décolonisation

L'accession à l'indépendance des Comores soulevait un problème juridique, politique mais aussi, et surtout, moral et humain. Dans une série d'articles publiés au Journal de Mayotte en 1991, en marge du "cent cinquantenaire" Hugues Béringer, l'assistant parlementaire du député de Mayotte H. Jean-Baptiste, a tenu à rappeler ce fait auquel il attribue l'intérêt que des hommes de sensibilité différente ont porté à la défense de "Mayotte française" dans les années cruciales 1974-1976.

Au nombre de ces hommes de bonne volonté issus de tous les partis politiques, mis à part ceux d'obédience marxiste, il cite notamment le sénateur socialiste Marcel Champeix, dont l'intervention le 6 novembre 1974 à la tribune du Sénat, conduira à l'envoi aux Comores d'une mission parlementaire qui aura pour tâche de bien appréhender le problème comorien. Hugues Béringer rappelle aussi dans ces articles, l'intervention le 30 juin 1975 du sénateur centriste de La Réunion Louis Virapoullé, à l'occasion de la discussion du texte qui allait devenir la loi du 3 juillet 1975 relative à l'indépendance du territoire des Comores. Il met également en exergue l'appui du royaliste Pierre Pujo, l'auteur d'une inlassable campagne de presse dans les années 1974-1976, dont le rôle a été prépondérant pour le maintien de Mayotte dans l'ensemble national.

30 juin 2006

CONSULTATION DE LA POPULATION DE MAYOTTE

CONSULTATION
DE LA POPULATION DE MAYOTTE

Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organisant une consultation de la population de Mayotte.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis longtemps, vous m'avez entendu demander régulièrement à cette tribune et à l'adresse des gouvernements successifs que soit organisée la consultation de la population sur son avenir statutaire telle qu'elle est prévue par les lois du 24 décembre 1976 et du 22 décembre 1979.
Aujourd'hui, avec le projet de loi qui nous est soumis, le Gouvernement propose d'organiser une consultation de la population mahoraise et vous me voyez tout à fait défavorable à cette proposition. Je vous dois donc quelques explications.
Avant d'en venir à mes motivations relatives au projet de loi, je veux rappeler quelques réalités historiques que, dans sa majorité, le Sénat n'ignore pas.
Mayotte est française depuis 1841. Depuis cette date et grâce à l'abolition de l'esclavage en 1846, à la mise en place progressive d'une administration compétente et honnête, à la mise en valeur agricole de son territoire, notre île a été soustraite aux convoitises politiques de ses voisins, protégée des razzias malgaches qui la dévastaient régulièrement, abritée des revendications territoriales venues de ces Comores que les historiens ont appelées « l'archipel des sultans batailleurs ».
C'est dire que, pour les Mahorais et depuis près de cent soixante années, la souveraineté française est la garantie absolue des libertés publiques et de l'épanouissement des libertés individuelles.
Peu de temps après l'établissement du protectorat français sur les trois sultanats des Comores, Mayotte, qui était le chef-lieu du nouvel ensemble, a été rattachée à Madagascar. Mayotte et les Comores ont obtenu en 1946 une relative autonomie administrative renforcée en 1956-1957 par la loi-cadre dite « Defferre » et par ses textes d'application.
En 1958, avec l'adoption de la Constitution de la Ve République, il est apparu clairement que les DOM avaient vocation à l'intégration dans l'ensemble français, tandis que les TOM étaient promis à l'indépendance, au moins à une très large autonomie.
Dès ce moment - et plus précisément dès le 2 novembre 1958 - les Mahorais n'ont cessé de réclamer la départementalisation de l'île, alors que les Comoriens ne cessaient d'avancer vers l'indépendance et de tenter, avec le soutien des gouvernements français, d'y entraîner Mayotte contre la volonté de ses habitants.
En 1974-1975, Mayotte n'a dû qu'au Parlement, et spécialement au Sénat, de n'être pas précipitée malgré elle dans une indépendance dont chacun peut aujourd'hui apprécier les résultats après vingt-cinq années de coups d'Etat, de dictature, de corruption et de sous-développement causés par ceux-là même qui ont la responsabilité du développement.
C'est dire que les Mahorais ont pris l'habitude de faire confiance au Parlement français, au Sénat en particulier, et de croire à la force de la loi plus qu'aux discours politiques des gouvernements successifs.
Dans son remarquable rapport, notre collègue José Balarello a bien rappelé qu'après la confirmation en février 1976, à une écrasante majorité de la volonté des Mahorais de rester Français, ils avaient été à nouveau consultés en avril 1976 sur leur statut.
M. Stirn, alors ministre, avait promis que Mayotte pourrait choisir le statut de département.
Il n'en fut rien et les Mahorais durent imprimer un bulletin sauvage pour pouvoir revendiquer, là encore avec une immense majorité, l'adoption du statut de DOM et l'abandon du statut de TOM.
Finalement, impressionné par cette détermination, le Gouvernement avait déposé un projet de loi sur la départementalisation de Mayotte.
Un mois plus tard, devant l'Assemblée nationale consternée, le Gouvernement retirait son projet de loi de l'ordre du jour, tout en indiquant que la départementalisation demeurait son objectif.
En décembre 1976, un nouveau projet de loi était adopté, faisant de Mayotte une collectivité territoriale spécifique mais promettant à la population qu'elle pourrait choisir d'adopter le statut départemental après un délai de trois ans.
Trois ans plus tard, le Gouvernement proposait de proroger de cinq ans le délai d'organisation de la consultation, mais maintenait la possibilité d'opter pour le statut départemental.
Cinq ans plus tard, le Gouvernement de M. Fabius tentait, par un nouveau projet de loi, d'abroger les lois de 1976 et 1979 en ce qu'elles prévoyaient la consultation de la population et une possible départementalisation ; mais il renonçait finalement à faire discuter son projet.
Depuis cette date, les Mahorais et leurs élus n'ont pas cessé de réclamer l'application des lois de 1976 et 1979. En 1995, les deux candidats au deuxième tour de l'élection présidentielle se sont engagés à appliquer ces lois et M. le Président de la République a souligné que Mayotte avait vocation à devenir un département d'outre-mer.
Aujourd'hui, on vous propose de renier ces engagements et d'abroger implicitement les lois qui permettaient aux Mahorais de choisir leur statut. Pour ma part, je ne peux y consentir.
C'est en effet au respect de la loi et de la parole donnée que je veux appeler ici.
Depuis plus de quarante ans, une population isolée, sans grands moyens de pression sur les gouvernements, sans autre arme que son attachement à la France et son respect des lois de la République, sans autre force que ses convictions sincères, sans autre argument que la démonstration quotidienne par les troubles politiques affectant sa région, du bien-fondé de ses choix, cette population mahoraise, donc, demande le statut qui lui paraît garantir ses libertés.
Depuis quarante ans, on lui promet de lui donner satisfaction et, depuis quarante ans, on la trompe en reportant sans cesse la départementalisation et en trouvant toujours de nouvelles raisons pour le faire.
Depuis vingt-quatre ans, le législateur a promis, avec la force qui s'attache à la loi, que Mayotte pouvait, si elle le choisit librement, adopter le statut de département. Et, depuis vingt-quatre ans, les gouvernements successifs reportent la consultation de la population ou négligent de l'organiser, malgré tous les engagements pris devant les Mahorais.
Aujourd'hui, tirant argument de cette négligence elle-même, le Gouvernement vient nous dire qu'il n'est plus possible d'appliquer la loi. Si, d'aventure, on ne l'applique pas, que peut valoir, aux yeux de tous, toute prochaine loi statutaire sur Mayotte ? Je vous le demande publiquement, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'est-ce qui vous empêche d'appliquer la loi et de donner aux Mahorais le choix statutaire que le Parlement leur a promis ?
A vous, mes chers collègues, je veux dire que les motivations gouvernementales sont idéologiques et diplomatiques.
Mayotte, voyez-vous, ne va pas dans le bon sens ! Lorsqu'un territoire français - ou une minorité active de sa population - veut aller vers l'indépendance, on est prêt à le consulter, à définir des statuts successifs facilitant cette démarche, à modifier la Constitution comme on nous l'a proposé récemment, à bousculer toutes les règles de notre droit public sur le suffrage universel, sur l'accès aux emplois publics, sur les compétences de l'Etat, que sais-je encore ?
Mais lorsqu'on veut simplement rester Français avec un statut garantissant cet avenir français et les libertés, on ne va pas dans le sens de l'histoire et on n'est pas respectable. Voilà pour l'idéologie !
Quant à la diplomatie, elle est omniprésente dans ce dossier, mais en coulisses. Depuis vingt-cinq ans, les Comores, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, l'Organisation de l'unité africaine et la Conférence islamique exigent que Mayotte soit rattachée à la République islamique comorienne contre la volonté de ses habitants.
Depuis un quart de siècle, la diplomatie française s'emploie à démontrer que la France laisse cette possibilité ouverte, que rien n'est irréversible et que, surtout, on n'accordera pas aux Mahorais une départementalisation qui ruinerait les chances de l'intégration forcée dans l'ensemble comorien.
Telles sont, mes chers collègues, les véritables motivations du Gouvernement et je veux vous en donner une preuve très parlante. Chaque fois qu'il a été question devant le Parlement français de Mayotte et de son avenir, vous avez toujours entendu, comme un concert, les récriminations des organisations internationales que je viens de citer. Cette fois, rien ! Tout se passe comme si la diplomatie française avait signifié à ses interlocuteurs : « Laissez-nous faire ! Soyez patients, nous allons régler le problème, car nous avons trouvé le moyen de diviser les Mahorais ».
Je reviendrai sur cette désunion artificiellement provoquée, mais je veux insister sur cette obsession de notre diplomatie : se débarrasser de Mayotte. Voilà pourquoi le document élaboré par le Gouvernement insiste sur le caractère prioritaire de l'insertion de Mayotte dans son environnement régional. L'objectif visé est bien, à terme, l'intégration forcée de Mayotte dans l'ensemble comorien.
Vos arguments n'y changeront rien, monsieur le secrétaire d'Etat. Chaque fois qu'on a présenté aux Mahorais un autre statut que celui de département comme garantie de leur avenir français et de leur développement, on l'a présenté en même temps aux adversaires de Mayotte comme une promesse de règlement diplomatique de l'affaire mahoraise. Et c'est ce que vous avez fait, cette fois encore.
Pour « faire passer la pilule », si j'ose dire, vous avez tenté de convaincre la représentation nationale, les élus de Mayotte et les Mahorais eux-mêmes, de l'impossibilité d'appliquer à Mayotte le statut départemental. Je veux examiner vos principaux arguments.
Une bonne partie de votre argumentation - qui a eu des échos jusque chez certains membres de la commission des lois - est concentrée sur l'existence à Mayotte d'un statut civil particulier, largement inspiré du droit musulman, et de juridictions spécifiques chargées de l'appliquer.
Je veux vous rappeler que ce statut civil personnel est prévu par l'article 75 de la Constitution et qu'il est sans rapport avec le statut administratif du territoire dans lequel il s'exerce. Ainsi un Mahorais vivant dans un département métropolitain conserve-t-il son statut personnel, même s'il est musulman et polygame. C'est l'avis exprimé devant le groupe de réflexion sur l'avenir de l'île par les plus grands juristes, parmi lesquels le président de la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, ou l'actuel directeur de cabinet de M. le Premier ministre, ou encore le professeur Luchaire, auxquels on ne peut pas reprocher d'être éloignés du Gouvernement...
C'est d'ailleurs aussi votre avis, puisque vous avez déclaré que votre projet n'excluait pas la départementalisation dans dix ans. Or, vous n'espérez sûrement pas que, dans dix ans, les Mahorais auront changé de religion et de statut personnel ! Vous reconnaissez donc vous-même qu'il n'y a aucune relation entre ces questions et celle de la départementalisation.
Qu'il faille moderniser ce statut et réformer les tribunaux qui l'appliquent, cela est évidemment bien nécessaire. La loi vous le permet, et vos prédécesseurs ont eu vingt-cinq ans pour le faire. Faites-le donc, et nous vous en saurons gré. Mais si le fond de votre pensée, c'est qu'on ne peut être Mahorais, musulman, pauvre, éloigné, et être citoyen français à part entière, dites-le nous franchement !
J'insiste sur ce point, car votre autre série d'arguments nous amène à douter sérieusement de la sincérité de vos motivations. Vous dites - et vous faites dire - que le sous-développement actuel de Mayotte, les déséquilibres de son économie, la faiblesse de son système social, le particularisme de sa démographie, les spécificités de sa culture seraient autant d'obstacles à la départementalisation.
Notez tout d'abord que l'article 73 de la Constitution vous permet tout à fait, dans le cadre du statut départemental, d'adapter la loi aux particularismes mahorais.
Constatez ensuite avec nous que ce sont ces mêmes retards et handicaps de développement qui motivent aujourd'hui le projet de création d'un deuxième département à l'île de la Réunion.
Demandez-vous surtout s'il est bien digne de la part d'un gouvernement français de reprocher à une population française le sous-développement dans lequel on l'a abandonnée.
Vous dites, par exemple - et vous en avez persuadé les différentes missions parlementaires - que 75 % des Mahorais ne parlent pas le français.
Ces chiffres sont faux, puisque depuis 1980 l'enseignement est généralisé et obligatoire, et que 65 % des Mahorais ont moins de vingt ans.
Mais s'ils étaient exacts, seraient-ils à l'honneur de la France et seraient-ils opposables aux Mahorais ? Ceux-ci sont attachés à leur langue, il est vrai, mais à l'heure où, dans les départements français, les particularismes linguistiques sont exaltés jusque contre les lois de la République, peut-on reprocher aux Mahorais de parler mahorais ? Peut-on leur reprocher d'avoir des dépenses de santé publique par habitant dix fois inférieures à celles que l'on constate en métropole ? Peut-on leur reprocher une immigration clandestine - venue des Comores -, que le Gouvernement devrait contrôler ? Peut-on leur reprocher de connaître une croissance démographique que seul le développement et l'instruction peuvent freiner ? Peut-on leur reprocher de n'avoir aucune des garanties sociales que la solidarité offre à tous les autres Français ? Peut-on leur reprocher d'être privés, dans tous les domaines économiques et sociaux, des outils de développement que la collectivité nationale leur doit et que la départementalisation leur apporterait ?
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, ces arguments ne sont pas bons et vous devriez, au contraire, être touché par la constance et la sincérité de l'attachement à la France que manifeste une population pour laquelle on a si peu fait. A vous, mes chers collègues, je demanderai si, au lieu d'inventorier les retards de développement de Mayotte, le moment ne serait pas venu d'y mettre fin comme on a voulu le faire pour les départements d'outre-mer par la loi de 1946 et par les vigoureuses politiques de développement, d'investissement public et d'égalité sociale qui y ont été conduites.
Au lieu de cela, le Gouvernement nous propose, sur la base d'un vague document d'intention dépourvu de tout chiffrage et de tout calendrier, de créer une nouvelle catégorie juridique pour l'outre-mer : la collectivité départementale.
Dans le premier document qu'il avait élaboré à la fin de 1998, le Gouvernement présentait explicitement cette solution comme une étape, une sorte de sas vers la départementalisation. Il avait également accepté le principe d'une nouvelle consultation de la population incluant, après dix ans, la possibilité de choisir le statut de département.
Sur cette base nous étions d'accord pour regarder la collectivité départementale comme une transition et j'avais proposé, avec le député de Mayotte et un certain nombre d'élus mahorais, une série de mesures propres à donner un véritable contenu économique et social à cette transition.
Le Gouvernement a observé un silence total pendant six mois et il a soudain produit, probablement en raison des pressions diplomatiques que j'évoquais tout à l'heure, un nouveau document revenant sur les engagements qu'il avait pris : il n'est plus question de département ni de nouvelle consultation dans dix ans. Voilà pourquoi nous refusons le projet gouvernemental.
Nous pensons d'abord que, ainsi proposée comme un statut définitif, la collectivité départementale est d'une grande faiblesse juridique, ce qu'il appartiendra au Conseil constitutionnel de juger.
Mais notre refus est surtout politique, monsieur le secrétaire d'Etat.
A l'origine, vous nous avez dit être à la recherche du plus large consensus local à l'appui de votre solution. Je viens de vous rappeler les deux principales conditions que nous avions mises à notre accord. Il ne tenait qu'à vous d'intégrer ces deux points dans votre projet et de trouver ainsi, à Mayotte, un large assentiment populaire pour une transition vers la départementalisation. Et vous pouvez encore les intégrer. Ce serait la seule amélioration possible de ce texte qui est mauvais. Certes, je salue les efforts de la commission des lois du Sénat pour amender votre projet de loi, mais pas plus que je n'ai présenté d'amendements sur l'essentiel, je ne voterai ses propositions. Pour moi, il faut une solution claire : à vous de renoncer à votre manoeuvre ou de persister.
En réalité, vous ne voulez pas de consensus. Vous avez recherché l'épreuve de force politique. Et vous vous êtes laissé persuader par des votes téléguidés des conseils municipaux et du conseil général que votre projet recueillerait une très forte majorité et vous permettrait de marginaliser des parlementaires qui n'ont pas l'heur de vous plaire.
Je n'insisterai pas sur les pressions individuelles que l'administration a exercées sur un certain nombre d'élus locaux. Je n'insisterai pas davantage sur le renforcement des pouvoirs personnels promis à ces élus locaux par votre document, qui prévoit un schéma de décentralisation proche de l'autonomie interne, lequel, vous le savez vous-même, est totalement inadapté à Mayotte. Je n'insisterai guère plus sur l'incroyable partialité de l'administration d'Etat à Mayotte et de la radiotélévision publique qui mènent depuis des mois une campagne vigoureuse contre la départementalisation et pour votre document, comme si la consultation que vous annoncez ne concernait pas d'abord les Mahorais. Je ne reviendrai pas sur votre récente tournée électorale mahoraise, au cours de laquelle vous avez présenté les financements qui nous étaient dus comme les premiers effets de votre futur statut et vous avez fait la promotion systématique de vos amis politiques. Tout cela n'a guère d'importance.
Pour aujourd'hui, je veux seulement vous inviter à ne pas vendre la peau de l'ours que vous n'avez pas tué. Vous dites que deux tiers des élus municipaux ont voté pour votre document. Lorsqu'il s'agit des Antilles-Guyane, vous soulignez que les élus réclamant une réforme institutionnelle s'arrogent des pouvoirs que les électeurs ne leur ont pas donnés.
M. Georges Othily. Ah bon ? Vous avez dit ça, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Marcel Henry. C'est exactement ce que vous encouragez à Mayotte : les conseils municipaux et le conseil général ont à gérer leurs affaires locales, et c'est à la population de décider de son futur statut dans les limites que la loi lui a fixées. C'est d'ailleurs pourquoi je n'ai pas voulu recourir aux multiples procédures - motion de renvoi à la commission, motion tendant à opposer la question préalable ou autre - qui auraient permis de faire obstacle à votre projet. En effet, les parlementaires mahorais et leurs amis départementalistes ne redoutent pas la manifestation de l'opinion de la population. Au contraire, ils la souhaitent.
Demain, si le Parlement vous autorise à organiser la consultation sur les bases faussées que vous avez choisies, la population vous dira clairement son refus. Que ferez-vous donc alors, monsieur le secrétaire d'Etat ? Si les Mahorais vous répondent « non », déciderez-vous enfin d'appliquer la loi ?
J'ai le souvenir d'une époque, en 1966, où, déjà encouragés par le Gouvernement français, les dirigeants comoriens avaient réussi à détourner les élus mahorais des engagements qu'ils avaient pris devant la population. Alors les femmes mahoraises s'étaient levées ; elles s'étaient réveillées : elles s'étaient opposées au largage qu'on leur promettait ; elles avaient fait entendre leur détermination, leur volonté inébranlable de rester françaises. Comme aujourd'hui, j'étais bien isolé parmi les responsables politiques mahorais à les accompagner et, pourtant, elle avaient finalement gagné.
Aujourd'hui, la population mahoraise pense que cette première victoire doit être parachevée par l'accession au statut de département. Pour ma part, c'est la mission que j'ai reçue de ceux qui me font confiance depuis très longtemps et je ne m'en laisserai pas détourner par des promesses, par des manoeuvres ou par des mirages.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette obstination vous agace et qu'elle vous paraît même incompréhensible. Laissez-moi donc, pour conclure, vous dire quelques mots personnels. Voilà plus de quarante ans que je me bats pour cette idée simple : les Mahorais doivent pouvoir choisir librement leur avenir et le statut dans lequel ils le vivront. S'il ne s'agissait, comme le suggèrent vos amis, que de mon confort personnel ou de mes intérêts matériels, j'aurais eu par le passé, et j'aurais encore aujourd'hui, le plus grand avantage à consentir à des arrangements avec mes principes, à des compromis de circonstance, à des accords qui se font « sur le dos » de la population. Je ne l'ai jamais fait et je ne le ferai pas, car je crois qu'en politique l'honneur consiste à se tenir strictement à ce que l'on croit juste et vrai.
Je crois que votre projet n'est pas juste pour Mayotte. Je sais que l'avenir le démontrera. C'est pourquoi je m'y opposerai avec mon parti, que vous feignez d'ignorer, le Mouvement départementaliste mahorais. Et je demanderai à la population mahoraise de le refuser. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quand la grande aventure tellurique faisait surgir toutes ces îles autour de Mayotte, dans le désordre et la confusion des temps géologiques anciens, on peut imaginer que des dieux ou des fées insensibles à la brutalité volcanique, soucieux de paix et d'harmonie, se sont penchés sur Mayotte pour lui dessiner une immense barrière de corail afin de la protéger des aventures du large et de la distinguer, commme on donne une châsse à une pierre précieuse.
Cependant, lorsqu'on arrive à Mamoudzou, on est convaincu que le peuple mahorais, pendant plus d'un siècle et demi, s'est obstiné à se réclamer d'une France lointaine, quelquefois oublieuse, indifférente à son affection candide.
Voilà, je crois, un démenti pour tous les pronostics politiques de ceux qui ne croient pas à la liberté des hommes et à leur attachement à la République.
C'est pourquoi l'accord signé à Paris le 27 janvier 2000 est, selon moi, d'une clarté implacable et ne soulève aucune ambiguïté quant à la décision d'une consultation, que je souhaite pour la dernière fois, du peuple mahorais sur sa volonté de répondre massivement « oui » à la question suivante : « Approuvez-vous l'accord sur l'avenir de Mayotte, signé à Paris le 27 janvier 2000 ? »
Cet accord, approuvé par la très grande majorité des élus locaux et signé par tous, à l'exception des parlementaires de l'île, prévoit de substituer un statut de collectivité départementale à l'actuel statut régi par la loi du 24 décembre 1976. Ainsi, les grandes orientations du futur statut tendraient à rapprocher progressivement du droit commun l'organisation et les compétences des communes, à mettre en place des services déconcentrés d'Etat, à maintenir le principe de spécialité législative tout en se rapprochant de celui des départements d'outre-mer, voire en s'y identifiant, et à agir en faveur du développement économique et social.
Mes propos porteront, d'une part, sur l'urgence d'un changement et, d'autre part, sur certaines réserves concernant l'avenir institutionnel de l'île.
Mes chers collègues, Mayotte est une collectivité territoriale dotée d'un statut original, conforme à l'article 72 de la Constitution, qui la fait bénéficier de nombreux particularismes.
En matière fiscale, je rappellerai que la fiscalité relève de la compétence territoriale et que l'ensemble des impôts est perçu au profit de la collectivité. Néanmoins, les communes ne disposent d'aucune recette fiscale propre.
Dans le domaine du droit civil et de l'organisation judiciaire, il existe un statut civil local pour la grande majorité de la population mahoraise, directement inspiré du droit coranique. Ce statut, certes multiséculaire, pose de nombreux problèmes dans le domaine de la citoyenneté française. Par exemple, un métropolitain peut difficilement concevoir que l'on puisse appliquer des décisions civiles et judiciaires qui reconnaissent la polygamie, admettent la répudiation de la femme, approuvent l'inégalité des sexes en matière successorale ou ignorent la procédure contradictoire et la présence d'avocats, comme l'a souligné ce matin notre excellent rapporteur. Aussi n'est-ce pas faire preuve de réalisme que de constater que le statut actuel de Mayotte, son organisation sociale et ses réalités culturelles constituent également, c'est vrai, un frein au développement de l'île ?
En outre, Mayotte connaît de très nombreuses difficultés économiques et sociales. Sa démographie est galopante. Ses infrastructures sont particulièrement faibles. Son isolement empêche tout développement économique. Son taux de chômage touche plus de 30 % de la population active.
Dans un tel contexte, mes chers collègues, parallèlement à la mise en place d'un projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, le Gouvernement s'est engagé sur la voie de la modification institutionnelle, plus exactement sur la voie de la départementalisation à terme de l'île. Pour ce faire, il propose l'organisation, dans les prochains mois, d'une consultation populaire locale qui permettra aux électeurs de Mayotte d'approuver ou non l'avenir de leur île tel qu'il est prévu par l'accord du 27 janvier 2000.
C'est sur les conséquences générées par ce référendum local que j'aborderai la seconde partie de mon propos.
Ce matin, notre débat en commission des lois vous a permis, monsieur le rapporteur - et j'apprécie hautement votre compréhension - de modifier l'amendement que vous vouliez présenter et visant à compléter la question qui serait posée à la population mahoraise. Cette rédaction me paraissait difficilement acceptable dans la mesure où elle rendait trop complexe une question posée à une population qui, à plus de 60 %, ne maîtrise pas la langue française, alors même que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 2 juin 1987, impose une double exigence de loyauté et de clarté, et l'absence d'équivoque.
En second lieu, il est question de doter l'île de Mayotte d'un statut de collectivité départementale dont l'ossature générale la rapprocherait du département d'outre-mer, tout en lui laissant, compte tenu de son histoire et de sa culture, une certaine marge d'adaptation. Autrement dit, l'intérêt serait d'octroyer à l'île un statut sur mesure. Celui qui vous parle sait d'expérience que si, dans son pays, la départementalisation a eu des effets bénéfiques sur le plan sanitaire, elle a en revanche asphyxié l'économie. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous remettons en cause le système départemental.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, croyez-vous sérieusement que l'on puisse adapter à Mayotte l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires appliquées dans les départements d'outre-mer ? Le 11 mars dernier, M. le Président de la République déclarait à la Martinique que l'institution départementale, fondée sur l'assimilation et qui a longtemps été synonyme de progrès et de dignité, a probablement atteint ses limites, que les statuts uniformes ont vécu et que chaque collectivité d'outre-mer doit pouvoir, désormais, évoluer vers un statut différencié.
Si le Gouvernement admet que le système départemental ne résiste plus à une évolution, il importe de retenir qu'il faut rompre avec une vision traditionnelle consistant à percevoir et à traiter de façon uniforme les départements d'outre-mer.
L'objectif gouvernemental d'adapter à Mayotte une départementalisation qui irait à l'encontre de l'histoire et des revendications autonomistes de l'outre-mer risquerait d'aggraver les nombreux problèmes posés par les réalités locales. Sans la mise en place de véritables outils de développement, la départementalisation de Mayotte nous conduira indubitablement au constat selon lequel on ne peut pas continuer à vivre en permanence sous perfusion avec l'argent de l'Etat. A tel point d'ailleurs que la position géographique, le retard économique et l'importance du chômage dans les départements d'outre-mer nourrissent trop souvent une revendication de plus en plus centrifuge par rapport à la métropole.
Enfin, je pense sincèrement que des statuts ne sauraient à eux seuls résoudre les problèmes de Mayotte et de sa population sans le support indispensable d'un projet économique et social certes ambitieux et respectueux des différences et des spécificités, mais aussi compatible avec les valeurs intangibles de notre république.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est pour toutes ces raisons, et après une analyse des avantages et des inconvénients pour Mayotte, que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera en faveur du principe de la consultation populaire à Mayotte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Sutour.
M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une délégation de la commission des lois s'est rendue sur l'île de Mayotte au mois de janvier dernier, sous la présidence de M. le rapporteur José Balarello. L'ensemble des contacts et des discussions que nous avons pu avoir avec les acteurs de la vie locale mahoraise me permettent de dire aujourd'hui que l'initiative prise par le Gouvernement après des années d'incertitudes va enfin permettre à la population de Mayotte de s'affirmer pleinement dans son choix de demeurer française.
L'île de Mayotte, qui est devenue française en 1841 et dont les habitants n'ont, dès lors, jamais cessé de montrer leur attachement à la France, va pouvoir pleinement s'intégrer à notre république avec un nouveau statut de collectivité départementale.
Il convient tout d'abord de se rémémorer les étapes successives qui nous amènent à clarifier le statut de Mayotte.
Lorsqu'en 1976 Mayotte a été érigée en collectivité territoriale sui generis sur le fondement de l'article 72 de la Constitution, il était prévu que la population serait à nouveau consultée sur un statut nouveau au terme d'un délai d'au moins trois ans. Or la loi du 22 décembre 1979 a prorogé ce délai de cinq ans. Force est de constater que cette consultation, si elle était effectivement prévue, n'a jamais été organisée.
Cependant, cette situation liée à un statut provisoire depuis maintenant vingt-cinq ans n'a jamais entamé l'attachement d'une population tout entière à la République française. Aujourd'hui, mes chers collègues, nous devons à mon avis rendre hommage aux Mahoraises et aux Mahorais, qui ont fait preuve d'une patience et d'une fidélité sans égales à la France.
C'est pourquoi je pense que nous désirons tous ici, dans cette assemblée, que le nouveau statut issu des discussions que vous avez impulsées sur le terrain dès 1997, monsieur le secrétaire d'Etat, et relayé par les travaux des deux commissions présidées par les anciens préfets de Mayotte, MM. Bonnelle et Boisadam, permette de répondre aux attentes de la population locale en matière de développement social et économique, car il ne fait aucun doute que les incertitudes liées au statut provisoire de l'île ont considérablement ralenti son développement.
C'est, en tout état de cause, l'esprit du document-cadre sur l'avenir de Mayotte, successivement approuvé par les représentants mahorais les 3 et 4 août 1999, par les dirigeants de trois partis politiques mahorais, par 14 des 19 conseillers généraux de l'île le 28 décembre dernier, par 16 des 17 communes et 77 % des conseillers municipaux, et, enfin, signé par vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, le 27 janvier dernier et qui va, d'ici au 31 juillet prochain, être soumis aux principaux intéressés que sont les 131 000 habitants de l'île ; c'est d'ailleurs là l'objet même de notre discussion.
L'accord signé le 27 janvier dernier dont il convient d'apprécier le contenu, puisqu'il a été négocié et approuvé localement, prévoit un certain nombre de dispositions tendant à organiser un nouveau statut qui sera instauré par la loi au plus tard avant la fin de l'an 2000, si tel est, bien entendu, le choix des Mahorais.
Dans ce cas, la future loi modifiera profondément l'actuel statut provisoire de « collectivité territoriale » défini par la loi de 1976 et fera de Mayotte une « collectivité départementale ».
Cette nouvelle collectivité, bien que restant une collectivité territoriale au sens de l'article 72 de la Constitution, marque néanmoins une réelle évolution. C'est pourquoi la dénomination « départementale » prend tout son sens, même si Mayotte ne deviendra pas dans l'immédiat un département d'outre-mer.
Le qualificatif « départemental » n'est pas là uniquement pour le symbole ; au contraire, le nouveau statut de Mayotte tend à faire se rapprocher le plus possible, en tenant compte des spécificités locales, les départements au sens classique et le département de Mayotte, avec, comme expression directe, la concordance entre les élections au conseil général de Mayotte et les élections cantonales de métropole, ou encore le transfert de l'exécutif du préfet de Mayotte au président du conseil général.
Cependant, cette concordance des élections cantonales ou encore ce transfert de l'exécutif sont simplement les dispositifs les plus forts du nouveau statut et sûrement pas les dispositions qui permettront à Mayotte de véritablement décoller. Au-delà de ces clarifications institutionnelles nécessaires, l'exercice de nouvelles compétences, la répartition de moyens supplémentaires, la dotation de rattrapage, la contractualisation, l'éligibilité aux fonds structurels européens sont les véritables leviers de l'amélioration de la vie quotidienne des Mahorais et des Mahoraises.
En effet, le nouveau statut tiendra compte de l'évolution démographique pour déterminer le nombre de parlementaires, les cartes communale et cantonale seront réexaminées, les compétences des communes seront progressivement rapprochées du droit commun, le code des communes sera modernisé, les élus et les agents bénéficieront de formation ; une chambre de commerce et d'industrie, une chambre d'agriculture et une chambre des métiers seront également créées.
A ces mesures, il convient d'ajouter la modernisation du système fiscal et douanier, la création d'une fiscalité communale ou encore la mise en place du cadastre.
Une fois les structures adaptées, l'Etat prendra les mesures nécessaires pour favoriser, d'une part, le développement économique de Mayotte - en matière de transport pour désenclaver l'île, de protection de l'environnement, de formation, de nouvelles technologies, d'enseignement primaire et secondaire, et, plus généralement, d'amélioration des services publics - et, d'autre part, le développement social, avec une modernisation du système sanitaire et social, une meilleure prise en charge des problèmes sociaux, de l'enfance, de la famille et des personnes isolées, l'amélioration de la permanence des soins sur les secteurs sanitaires ainsi qu'au centre hospitalier de Mayotte.
Complétant cette action sociale, la rénovation de l'état civil est aussi nécessaire à moyen terme, même si le régime actuel obéit au droit coranique ; dans ce domaine, on peut citer une amélioration du statut personnel et des droits de la femme, ainsi qu'un recentrage du rôle des cadis sur les fonctions de médiations sociales.
Il n'est pas possible de détailler de manière complète l'ensemble du document-cadre publié au Journal officiel le 8 février 2000, mais ces quelques éléments démontrent l'importance et l'impact positif de ce nouveau statut tant attendu.
A ce propos, les discussions que nous avons pu avoir en commission des lois confortent les orientations définies dans le nouveau statut ; mais l'amendement n° 2 tendant à modifier l'article 3 du projet de loi, article relatif à la question posée à la population de Mayotte, était, me semble-t-il, contraire à l'esprit même de l'accord sur l'avenir de Mayotte signé à Paris le 27 janvier 2000. C'est pourquoi je suis satisfait que M. le rapporteur ait retiré cet amendement ce matin en commission, ce qu'il nous a d'ailleurs confirmé.
S'agissant des autres amendements de la commission des lois, qui ont davantage un caractère technique quant à l'organisation même de la consultation, le groupe socialiste les approuvera.
Pour conclure, mes chers collègues, je voudrais simplement saluer ici le nouveau départ de Mayotte, qui va, dans peu de temps, conforter son appartenance à la République française, s'intégrer plus largement dans son espace physique et géographique, mais aussi et surtout connaître une amélioration de la vie quotidienne des hommes et des femmes qui font toute la richesse de cette île française. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi qu'au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « spécificité », tel est bien le mot le plus approprié qui puisse définir Mayotte : spécificité géographique, spécificité politique, spécificité économique, spécificité sociale.
Géographiquement, à 8 000 kilomètres de la métropole, Mayotte, dans l'océan Indien, se situe au sud de l'archipel des Comores, à 300 kilomètres de Madagascar, à 1 500 kilomètres de La Réunion, le département d'outre-mer le plus proche.
Avec seulement 374 kilomètres carrés pour 131 000 habitants, l'île connaît une densité de population de plus de 350 habitants au kilomètre carré, densité qu'aggrave encore une forte immigration, difficilement contrôlée, en provenance des archipels voisins.
Spécificité politique, ensuite, parce que, partie de l'archipel des Comores, Mayotte refusa d'être associée en 1975 à la proclamation d'indépendance des îles de Grande Comore, d'Anjouan et de Mohéli, et vit, depuis la loi du 24 décembre 1976, comme une collectivité territoriale à statut particulier, sur le fondement de l'article 72 de la Constitution.
Ce statut aujourd'hui en vigueur est inadapté. Et depuis vingt-quatre ans, Mayotte attend d'être consultée sur l'évolution de son statut, consultation pourtant prévue par la loi de 1976.
L'un des inconvénients d'une telle situation est de rendre actuellement Mayotte inéligible aux fonds structurels européens, parce que cela exige une mise en conformité avec le droit communautaire, et nous en sommes loin. Mais je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous recherchez activement une solution loyale à cet important problème et je vous demanderai de bien vouloir nous en dire quelques mots tout à l'heure.
Tout cela se situe dans un contexte démographique, économique, social et surtout juridique qui marque Mayotte par un important retard de développement en comparaison d'autres départements d'outre-mer.
Cette situation est ainsi magistralement exposée par le remarquable rapport de notre excellent collègue José Balarello.
C'est pourquoi le projet de loi qui nous est soumis prévoit que la population mahoraise sera consultée avant le 1er juillet prochain sur les grandes orientations d'une réforme statutaire inspirée d'un document intitulé « Accord sur l'avenir de Mayotte ».
Cet accord, publié le 8 février dernier au Journal officiel, a été conclu par le Gouvernement, le président du conseil général de Mayotte et les représentants des trois principales formations politiques, à l'exception - cela doit être noté - des deux parlementaires, sénateur et député, et de la formation qu'ils ont récemment créée, le mouvement départemental mahorais.
Le processus proposé peut être rapproché - mais à certains égards seulement - de celui qui fut récemment instauré en Nouvelle-Calédonie puisque, s'il est approuvé, l'accord sur l'avenir de Mayotte soumis à consultation générera, par ses grandes orientations, un projet de loi destiné à définir un nouveau statut pour Mayotte, qui deviendrait de manière spécifique « collectivité départementale » pour une période transitoire de dix ans.
C'est ensuite, en 2010, qu'il est prévu que, sur proposition du conseil général statuant à la majorité qualifiée, un projet de loi sera soumis au Parlement concernant l'avenir institutionnel de Mayotte, en fonction de l'évolution de la situation et de la spécificité mahoraise, sur laquelle nous n'insisterons jamais assez.
Ainsi, pendant les dix années à venir, Mayotte restera collectivité départementale à statut particulier, dans le cadre de l'article 72 de la Constitution, et continuera à être régie par le principe de la spécificité législative.
Une telle situation ne sera bien entendu définie que si, au terme de la consultation prévue, est approuvé l'accord sur l'avenir de Mayotte. Notons d'ailleurs qu'il a déjà été approuvé par la majorité du conseil général de Mayotte, par 14 voix sur 19, et par 16 conseils municipaux sur 17.
Regrettons cependant - et je le déplore sincèrement - que les deux parlementaires aient refusé de signer ce document incitatif et complet.
Notre excellent rapporteur n'a pourtant ménagé ni ses efforts ni ses arguments, persuasifs parce que pertinents, afin d'obtenir un consensus général. Il a démontré que l'accord proposait un processus de sagesse, évitant de précipiter les événements et se gardant des orientations hâtives, qui ne pourraient qu'être sources de différends, voire de conflits locaux fort éloignés de l'intérêt général intelligemment compris.
La spécificité de Mayotte implique en effet une évolution exigeante mais prudente, tenant compte de différents éléments.
Je citerai ainsi les particularités du droit civil et de l'organisation judiciaire, avec un dualisme délicat à traiter, et le constat d'une démographie encore accélérée par l'immigration venue en grande part, et clandestinement, de l'environnement. Notons en effet que la population recensée est passée de 32 600 habitants en 1966 à 131 000 en 1997, et qu'à ce rythme une prévision de 250 000 habitants dans dix ans, c'est-à-dire en 2010, est plus que probable.
Dans le droit-fil de ce contrat, je citerai encore l'aggravation du taux de chômage élevé qui résulte de cette situation démographique, ainsi que les énormes besoins concernant l'éducation, la formation des jeunes, le logement.
Je citerai aussi la grande faiblesse de la francophonie, qui, pardonnez-moi d'avoir à le dire, est une réalité. Ainsi, je ne sais, monsieur Henry, si 75 % de la population ne parlent pas français, mais, bien que 75 % de cette même population aient moins de vingt ans, et quels que soient les progrès de la scolarisation que vous avez évoqués, on constate quand même qu'une très grande majorité de Mahorais n'est pas francophone.
Bref, il faut tenir compte des handicaps liés à l'éloignement, à l'insularité et au sous-développement, sans oublier - et j'insiste sur ce point - les revendications territoriales de la République fédérale islamique des Comores, qui, dès l'origine de la proclamation unilatérale de son indépendance, exigea que Mayotte, qui s'y oppose formellement, lui soit intégralement rattachée.
La France, bien entendu, protège et continuera de protéger la liberté de choix de Mayotte, bien qu'ayant été condamnée à plusieurs reprises par certaines organisations internationales peu averties du problème, telles que l'ONU ou l'OUA, en vertu de la règle de l'intangibilité des frontières des Etats issus de la décolonisation, sans tenir compte de l'évolution de la situation.
Il importe, à l'évidence, de ne pas figer de manière définitive les perspectives d'évolution institutionnelle de Mayotte dans le cadre de la République française, mais en ayant à l'esprit l'expression du Président de la République selon laquelle « les statuts uniformes ont vécu et chacune des collectivités d'outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié et, en quelque sorte, un statut sur mesure ».
Telle est bien la conclusion à laquelle aboutissent notre excellent collègue José Balarello, rapporteur de la commission des lois, ainsi que ceux qui l'ont accompagné dans son déplacement à Mayotte.
Il serait absurde de traiter le statut de Mayotte sans tenir, avec sagesse, le plus grand compte de tous les éléments qui concourent à sa spécificité, et d'arrêter, voire de fixer dès maintenant de manière législative la qualité de son statut en 2010, alors que tout l'objet de cette période transitoire de dix ans qui nous est proposée est de laisser le temps à la réflexion et à une sage évolution.
Il apparaît en effet utile de tenir compte de l'évolution du monde, et également de garantir la confiance que nous gardent ces populations d'outre-mer, auxquelles nous lient des devoirs qui sont tout simplement ceux de l'honneur de la paix française, n'ayant pour objet que le seul intérêt général.
C'est pourquoi, au bénéfice des observations de la commission des lois, le groupe du Rassemblement pour la République adoptera le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi relatif à la consultation de la population de l'île de Mayotte s'inscrit pleinement dans le processus en cours depuis 1997 concernant le devenir institutionnel des départements, territoires et collectivités d'outre-mer.
La situation de l'île de Mayotte est d'ailleurs, de ce point de vue, particulièrement significative quant aux défis et aux enjeux qui se présentent devant nous.
Un rappel de quelques éléments historiques s'avère indispensable.
Lors de l'indépendance de l'archipel des Comores, consécutive à la loi du 31 décembre 1975 sur l'autodétermination de l'archipel, on sait que l'île de Mayotte avait opté, par référendum, pour son maintien dans la République française.
Il serait, aujourd'hui, quelque peu fastidieux de revenir sur les circonstances qui ont présidé à cette situation, mais toujours est-il que nous nous devons de constater que, depuis février 1976, date du référendum, la situation de l'île, en tout cas au plan institutionnel, est demeurée stationnaire, aucune solution n'ayant été mise en oeuvre malgré la promesse de l'organisation d'une consultation.
Le temps passant, la situation mahoraise s'est cependant particulièrement complexifiée.
L'île, à l'égal d'autres territoires, départements et collectivités d'outre-mer, est confrontée à de multiples problèmes et doit relever notamment les défis de l'expansion démographique, de l'éducation et de la formation, de la santé et, de manière plus générale, du développement économique et social, compte tenu, notamment, de la question de l'emploi.
L'île est également confrontée aux problèmes liés à l'archipel comorien, notamment aux tensions animées par les îles regroupées dans la République fédérale islamique.
Un grand nombre d'habitants de l'île d'Anjouan résident en effet aujourd'hui à Mayotte, ce qui, à terme, ne sera pas sans poser un certain nombre de nouveaux problèmes.
Nous observons que le projet de loi a, dans sa rédaction, connu, en fait, une sorte de validation par les élus mahorais, puisqu'une large majorité des élus municipaux comme des élus du conseil général s'est prononcée en faveur du texte.
Nous pouvons même penser que toute proposition visant à modifier aujourd'hui le processus engagé sur la base de l'accord du 27 janvier dernier n'est pas utile.
Nous nous félicitons, à cet égard, que M. le rapporteur ait retiré, à l'article 3, l'amendement qui avait pour objet de modifier le texte de la question soumise à référendum, d'autant que la rédaction assez confuse qu'il nous proposait risquait de ne pas être comprise par les électeurs.
Nous devons permettre, au contraire, que cette étape institutionnelle se déroule dans les conditions les plus nettes et les plus claires, facilitant ainsi les choix de la société mahoraise.
Il est, en effet, crucial que soit mise en oeuvre une politique de développement sanitaire et social, de renforcement des potentiels éducatifs et de formation et de développement de toutes les activités.
L'île doit, dans les années à venir, être partie prenante de la politique de coopération régionale que la France peut et doit mener dans la zone de l'océan Indien.
Nous souhaitons donc que le texte qui nous est soumis soit considéré, dans sa philosophie essentielle, comme une étape à franchir pour l'avenir de l'île de Mayotte.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. A ce stade de la discussion, je souhaite répondre rapidement aux différents orateurs, en les remerciant, tout d'abord, des observations qu'ils ont formulées et de l'analyse qu'ils ont faite de la situation de Mayotte.
M. Marcel Henry, sénateur de Mayotte, a dit en conclusion que les Mahorais devaient choisir librement leur avenir. Mais c'est l'objet même de ce projet de loi et de la consultation qui sera organisée ! Les Mahorais choisiront librement leur avenir sur la base d'un texte qui a été discuté et élaboré avec les formations politiques, avec les représentants parlementaires, et qui, finalement, représente, pour Mayotte, une réelle avancée.
Le projet de loi qui vous est présenté vise à organiser le scrutin de façon transparente, démocratique, conformément aux règles qui sont celles de notre République. J'indique d'ailleurs dès à présent que le Gouvernement est favorable aux amendements que présentera la commission des lois et qui visent à conforter le texte sur ce point.
Les Mahorais choisiront donc bien librement leur avenir, et ils le feront vingt-cinq ans après que la promesse leur en a été faite.
Et si, pendant vingt-cinq ans, il n'y a pas eu de consultation, c'est peut-être - j'y reviendrai - pour des raisons diplomatiques, mais c'est aussi et surtout, à mon avis, parce que les modalités de la consultation, telle qu'elles étaient prévues par le législateur en 1976 et 1979, ne pouvaient pas être mises en oeuvre.
Faire ce constat, c'est faire le constat lucide de la réalité. Vouloir dire aux Mahorais qu'ils doivent se prononcer cette année, en 2000, dans dix ans, ou plus tard, comme cela avait été prévu en 1976, c'est les leurrer sur la réalité de Mayotte et sur les évolutions possibles, c'est enfermer leur choix.
Je comprends, monsieur le sénateur, qu'en 1976 l'option départementaliste était pour vous l'assurance de l'enracinement dans la France et la certitude que Mayotte ne retournerait pas dans l'archipel des Comores. Vingt-cinq ans après, en sommes-nous toujours là ? Certes non. Les conditions ont changé.
Vous avez évoqué, tout à l'heure, les motivations diplomatiques de ce texte.
Monsieur le sénateur, quand M. le Président de la République, à Saint-Denis de la Réunion, en présence - j'étais également dans l'assistance - du Président de la République malgache, du Premier ministre de l'île Maurice, du représentant des Seychelles et du représentant administratif des Comores, déclare qu'il y aura une consultation à Mayotte en l'an 2000 sur la collectivité départementale, n'est-ce pas une formidable avancée pour Mayotte, qui était jusqu'à présent boycottée par tous ses voisins ?
Quand le ministre français de l'outre-mer que je suis, juste après sa visite de Mayotte, se rend à Madagascar pour évoquer le statut de Mayotte, qu'il y rencontre le Président de la République, M. Ratsiraka, et le Premier ministre, et qu'il les informe des intentions du Gouvernement français, puisque M. Ratsiraka est président de la commission de l'océan Indien, n'est-ce pas déjà un grand pas qui est accompli pour Mayotte ?
Le sport précède souvent la diplomatie. Quand une équipe nationale de Madagascar vient jouer à Mayotte pour la première fois et qu'un match retour est prévu à Madagascar, n'est-ce pas, pour Mayotte, une avancée incontestable sur le plan diplomatique ?
Il a fallu vaincre un certain nombre de résistances, c'est vrai. Ces résistances, dans l'administration, notamment au Quai d'Orsay, ont été levées. C'est, me semble-t-il, un élément important que vous ne pouvez pas négliger.
Comme l'a dit Mme Bidard-Reydet en fin de discussion générale, on ne peut pas envisager que Mayotte continue à rester, dans ce contexte, fermée à son environnement régional. Il est bien évident que Mayotte a toute sa place à prendre dans l'océan Indien et que cette place n'est pas simplement politique, qu'elle est aussi économique et culturelle.
Je réponds ainsi à l'un des arguments avancés par M. le rapporteur pour expliquer son opposition au texte de l'accord qui est proposé. L'insertion dans l'environnement régional, c'est ce que souhaitent, aujourd'hui, tous les départements, tous les territoires, toutes les collectivités d'outre-mer !
Dans un monde ouvert à la mondialisation, aux échanges culturels, commerciaux, politiques, humains, on ne peut pas dire que Mayotte doit rester enfermée. Mayotte n'existera et ne sera forte que dans la mesure où elle sera capable, avec la France, bien sûr, d'exister dans son environnement régional.
Je ne retiens donc pas du tout, monsieur Henry, votre thèse d'une diplomatie en coulisse qui serait organisée pour aller à l'encontre des intérêts des Mahorais. Bien au contraire, il y a eu ces derniers mois, sur ce plan, des avancées positives, ce qui permet d'organiser la consultation.
En ce qui concerne les motivations idéologiques, toutes les déclarations du Gouvernement et le large consensus qui se dessine dans cette assemblée, qui va du groupe communiste, républicain et citoyen à celui du Rassemblement pour la République, montrent bien que tout le monde reconnaît le fait que Mayotte est une collectivité de la République. Personne, aujourd'hui, ne le remet en cause.
Par conséquent, dire que, pour des motivations idéologiques, le Gouvernement voudrait vous éloigner de la République est totalement faux. Encore une fois, le fait qu'aujourd'hui un tel consensus se dégage dans cette assemblée me paraît tout de même être pour vous le gage que l'ensemble de la communauté nationale reconnaît que Mayotte est dans la République.
Je regrette très sincèrement que, malgré mes efforts, malgré ceux qu'a déployés M. le rapporteur, vous restiez monsieur Henry, à l'écart de ce qui est en train de se passer au sein de la représentation nationale, au Sénat et à l'Assemblée nationale, et qui, pour Mayotte, représente une formidable avancée.
Monsieur Henry, on ne peut pas dire, en mettant la République en cause, que Mayotte a été abandonnée en état de sous-développement. Même si l'on peut estimer qu'il faut faire plus - c'est vrai, et on le verra à travers le contrat de développement - j'ai tout de même le sentiment que la politique sanitaire, la politique économique, la politique de formation qui ont été mises en place traduisent un formidable engagement pris par les gouvernements successifs pour faire avancer Mayotte.
Si le SMIC à Mayotte est quinze fois supérieur à celui de Madagascar, c'est tout de même bien grâce à la République, qui garantit les droits sociaux !
S'agissant de l'effort de formation vous avez pu voir, monsieur le rapporteur, qu'il se construisait deux collèges par an à Mayotte, et ce parce qu'il fallait faire face très rapidement à la scolarisation de 50 000 élèves.
Quand, inaugurant l'hôpital, je constate que cet élément d'un dispositif de santé publique est identique à un autre hôpital qu'on trouve dans la région parisienne, je me dis que la République, même si c'est de façon insuffisante, a néanmoins rempli une partie de ses obligations vis-à-vis de Mayotte.
Le statut personnel a souvent été évoqué. Ce statut personnel, les Mahorais, dans leur immense majorité, souhaitent le conserver. Des évolutions se feront certainement jour parce que la modernisation de Mayotte est en cours, mais le respect des traditions demeure.
Cela étant, monsieur le sénateur, le statut personnel, c'est-à-dire un statut de droit civil qui règle le droit de la famille, le droit des successions, les problèmes de contentieux civils, et qui est régi par l'article 75, ne permet pas d'appliquer à Mayotte le principe de l'identité législative, qui est celui des départements d'outre-mer, en vertu de l'article 73, et qui signifie que les lois que vote le Parlement s'appliquent automatiquement sauf clause contraire.
Nous avons donc là un bloc de compétences locales, relevant du statut personnel, qui est un système de droit civil dont personne ici n'entend priver les Mahorais, mais qui ne permet pas d'aller vers un système de départementalisation dès l'an 2000.
Aller à l'encontre, ce serait nier ce que M. Lanier a justement évoqué au début de son intervention, à savoir la spécificité de Mayotte. Cette spécificité peut avoir sa place dans la République, et c'est précisément ce que nous proposons avec un statut qui permettra d'aller vers une identification progressive au département.
M. Balarello m'a demandé ce qui se passera en 2010. En 2010, le gouvernement de l'époque aura à mesurer l'évolution, à voir l'état du droit national concernant l'outre-mer et, probablement, alors, à faire franchir une nouvelle étape à Mayotte. Qu'elle devienne un département n'est pas exclu, mais moi, en tant que ministre de la République, je ne veux imposer au Gouvernement de 2010, quel qu'il soit, ni les termes d'un scrutin ni l'obligation même d'un scrutin. Ce sera à ce gouvernement de prendre ses responsabilités.
J'ai essayé, depuis 1997, de sortir de la situation créée par les lois de 1976 et de 1979, dont aucun gouvernement n'avait pu sortir, quelle que soit sa volonté. Ne reposons pas les questions dans les mêmes termes en 2010, au risque de nous voir de nouveau acculés dans une impasse !
Voilà les raisons qui me conduisent, évidemment, à souhaiter que le Sénat adopte largement le texte qui lui est proposé.
Une question m'a été posée sur les fonds structurels européens. Ces fonds sont réservés aux régions ultra-périphériques définies par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, c'est-à-dire les quatre départements d'outre-mer français, les deux régions portugaises des Açores et de Madère, et la région espagnole des Canaries. Quant à ce qu'on appelle les pays et territoires d'outre-mer, les PTOM, qui sont au nombre de vingt, ils relèvent de l'article 299-3, c'est-à-dire du fonds européen de développement. C'est vrai, ces vingt pays et territoires d'outre-mer européens reçoivent beaucoup moins de fonds - au moins dix fois moins par habitant - que les régions ultra-périphériques. Il y a donc là un déséquilibre.
Mais, même si nous votions aujourd'hui la départementalisation de Mayotte, il faudrait renégocier avec tous nos partenaires, c'est-à-dire avec les quatorze autres pays européens, l'inclusion de Mayotte dans la liste de l'article 299-2.
En revanche, je m'engage, messieurs Lanier et Balarello, à obtenir, dans les discussions à l'échelon européen, que, dans la répartition de l'enveloppe des pays et territoires d'outre-mer, qui comprend pour nous Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, un sort particulier soit réservé à Mayotte compte tenu des retards de développement.
De fait, nous ne pouvons pas faire passer Mayotte d'une catégorie à une autre sans l'accord de nos quatorze partenaires européens parce que nous sommes tenus par un traité. Mais je suis d'accord pour essayer de défendre Mayotte à l'échelon européen et la faire bénéficier au maximum des fonds européens de développement.
Voilà ce que je souhaitais dire au travers de cette intervention. Nous ne pouvons pas figer aujourd'hui le statut de Mayotte, ni les questions qui seront soumises et examinées en leur temps, en 2010. Aujourd'hui, ce qu'il faut pour Mayotte, c'est ne plus vivre dans le passé. Il faut regarder l'avenir et construire celui-ci avec les Mahorais. Ce texte et la consultation, puisqu'ils s'exprimeront, le leur permettra. C'est à la République, maintenant, de leur donner la capacité de s'exprimer. Le scrutin qui sera organisé d'ici au 31 juillet permettra aux Mahorais d'exprimer de nouveau leur attachement à la République et leur volonté d'aller de l'avant, de moderniser et de faire évoluer Mayotte tout en respectant les traditions et l'originalité de cette île. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Marcel Henry. Je demande la parole pour répondre au Gouvernement.
M. le président. La parole est M. Henry.
M. Marcel Henry. Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux vous redire que vous ne réussirez pas à me convaincre que les Mahorais ne risquent rien, qu'il n'y a plus de danger d'un retour aux Comores sous prétexte que les propos de M. le Président de la République, à La Réunion, selon lesquels on allait organiser une consultation à Mayotte et que l'on en ferait une collectivité départementale n'ont pas provoqué de réaction de la part des dirigeants des pays voisins.
On a bien vu, en écoutant les explications de nos collègues qui sont favorables à l'adoption du projet, que ce dossier avait une dimension diplomatique. C'est pour ne pas faire de peine aux instances internationales, qui critiquent le maintien de la présence française à Mayotte, que l'on n'ose pas faire la départementalisation.
Les Mahorais sont parfaitement conscients que tant que cette décision ne sera pas prise, la volonté de la France de maintenir sa présence à Mayotte ne sera pas affirmée.
Apparemment, tout le monde ici semble d'accord pour voter ce projet de loi. Je voterai cependant contre, ainsi que mon groupe, car il est évident que l'adoption de ce projet de loi suscitera de la part des pays environnant Mayotte, notamment les Comores, une revendication plus forte de ce territoire, qui pèsera sur les négociations internationales.
Je suis conscient que ce n'est pas au niveau parlementaire, aujourd'hui, qu'il est possible de redresser la situation puisqu'un consensus semble se dégager. D'ailleurs, à Mayotte même, nous retrouvons le même accord entre les élus locaux du parti socialiste et du RPR. Le ministre s'est fondé sur cet accord prétendument unanime pour vanter aux parlementaires les mérites de son texte.
Ce n'est donc pas par la voie parlementaire que je compte renverser la situation mais en faisant appel aux Mahorais pour qu'ils sachent que leur destin est entre leurs mains, et que c'est en refusant de voter pour ce document qu'ils préserveront leur avenir dans l'ensemble français.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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30 juin 2006

MAYOTTE, LA FRANCAISE...

Cet ensemble d'îles est connu depuis les temps les plus reculés. Au XVème siècle, les invasions arabes s'y succèdent. Au XVIème, les Portugais et les Français y séjournent quelque temps sans s'opposer cependant à l'influence arabe et à l'implantation de l'islam.

Cet ensemble d'îles est connu depuis les temps les plus reculés. Au XVème siècle, les invasions arabes s'y succèdent. Au XVIème, les Portugais et les Français y séjournent quelque temps sans s'opposer cependant à l'influence arabe et à l'implantation de l'islam.

A la fin du XVIIIème siècle, les Malgaches envahissent Mayotte et s'y installent durablement, si bien qu'aujourd'hui encore on parle dans de nombreux villages de Mayotte le sakalave, langue d?origine malgache.

Le 24 avril 1841, le sultan de Mayotte cède à la France l'île, qui devient dès lors une colonie. Une ordonnance royale de 1846 y abolit l'esclavage. La France n'établit son protectorat sur les autres îles qu'environ un demi-siècle plus tard (de 1886 à 1892), constituant un peu plus tard la colonie de " Mayotte et dépendances " rattachée par la loi du 25 juillet 1912 à Madagascar, alors colonie française. En 1946, l'archipel des Comores devient Territoire d'Outre-mer, ayant pour chef-lieu Dzaoudzi.

En 1974, par référendum, trois des îles de l'archipel optent pour l'indépendance, alors que Mayotte préfère rester française. Le 8 février 1976, les Mahorais confirment par un nouveau vote leur volonté de rester au sein de la République Française. Mayotte devient alors un cas unique d'une population qui choisit de rester sous administration de la puissance colonisante. La loi du 24 décembre 1976 constitue Mayotte en collectivité territoriale de la République. Une nouvelle loi votée le 22 décembre 1979 porte que " l'île de Mayotte fait partie de la République Française et ne peut cesser d'y appartenir sans le consentement de sa population ".

En juillet 2000 un scrutin portant sur un nouveau statut renforce cette volonté "d'ancrage dans la république".

30 juin 2006

REPERES HISTORIQUES DE MAYOTTE

Traité de cession de Mayotte à la France Prise de possession française Mayotte, colonie sucrière Ordonnance royale portant sur l’abolition de l'esclavage à Mayotte Décret libérateur, abolition de l'esclavage Première école publique à Dzaoudzi L’archipel des Comores devient un protectorat français Archipel des Comores: Province de madagascar et dépendances les comores accèdent au statut de territoire d'outre-mer (tom) loi-cadre (deferre) instituant une assemblée territoriale le conseil du gouvernement des comores, doté autonomie interne, est créé par décret accords sur l’accession progressive à l'indépendance référendum'autodétermination (mayotte dit non 63,8 %) déclaration unilatérale nouvelle consultation mayotte souhaite demeurer sein la république française 99,4 statutaire (79,6 % en faveur départementalisation, solution proposée suffrage). devient collectivité caractère départemental proclamation visite premier ministre : jacques chirac intégration dans loi-programme relative développement dom édouard balladur décès zéna m’dére, co-fondatrice mouvement populaire mahorais signature principaux partis politiques “ de l’accord  l’avenir mayotte ” son édification départementale. institutionnel mayotte. va devenir départementale

Quelques dates historiques de Mayotte

25 avril 1841

Traité de cession de Mayotte à la France

13 juin 1843

Prise de possession française

1846-1886

Mayotte, colonie sucrière

9 décembre 1846

Ordonnance royale portant sur l’abolition de l'esclavage à Mayotte

27 avril 1848

Décret libérateur, abolition de l'esclavage

1864

Première école publique à Dzaoudzi

1886-1887

L’archipel des Comores devient un protectorat français

1908-1914

Archipel des Comores: Province de "Madagascar et Dépendances"

24 septembre 1946

Les Comores accèdent au statut de Territoire d'Outre-Mer (TOM)

juin 1956

Loi-cadre (Deferre) instituant une Assemblée territoriale

juillet 1957

Le Conseil du Gouvernement des Comores, doté d'une autonomie interne, est créé par décret

15 juin 1973

Accords sur l’accession progressive à l'indépendance

22 décembre 1974

Référendum d'autodétermination des Comores (Mayotte dit non à l'indépendance à 63,8 %)

6 juillet 1975

Déclaration unilatérale de l'indépendance des Comores

8 février 1976

Nouvelle consultation de Mayotte (Mayotte souhaite demeurer au sein de la République Française à 99,4 %)

11 avril 1976

Référendum statutaire (79,6 % en faveur de la départementalisation, solution non proposée au suffrage). Mayotte devient une Collectivité Territoriale à caractère départemental

24 décembre 1976

Proclamation unilatérale de l'indépendance des Comores

19 octobre 1986

Visite du Premier Ministre : Jacques Chirac

31 décembre 1986

Intégration de Mayotte dans la loi-programme relative au développement des DOM

24 novembre 1994

Visite du Premier Ministre : Édouard Balladur

28 Octobre 1999

Décès de Zéna M’DÉRE, co-fondatrice du Mouvement Populaire Mahorais

27 janvier 2000

Signature par les principaux partis politiques de Mayotte de l’accord sur l’avenir de Mayotte et sur son édification en Collectivité départementale.

2 juillet 2000

Consultation sur l’avenir institutionnel de Mayotte. Mayotte va devenir une Collectivité départementale

11 juillet 2001

Mayotte devient Collectivité Départementale

30 juin 2006

LA SEPARATION ENTRE MAYOTTE ET LES COMORES

Rencontre avec Saïd Toumbou

Extrait de « Jana na Leo » N°6 – 1988

Saïd Toumbou, un des fondateurs du mouvement des "serrés la main" réagit face aux événements qui sont l'objet de ce dossier. Guidé d'une main de fer par son père, ce fils de cultivateur s'est d'abord frotté pendant son enfance, aux travaux des champs avant d'être recruté à l'âge de 17 ans comme BOURJANE (porteur de chaise). Le chef du village qui l'avait repéré depuis longtemps et catalogué comme étant un fauteur de troubles, une tête brûlée, l'avait recommandé au chef de district lequel cherchait à embaucher des hommes pour satisfaire aux besoins d'un colon. Pendant trois ans, il sillonnera MAYOTTE avec "le fitaco" sur les épaules.

En 1945, à l'âge de vingt ans, il est appelé sous les drapeaux sans qu'on lui ait demandé, encore une fois, son avis ! Après avoir reçu une convocation du même chef de district, aidé par son complice le chef du village de ACOUA, SAID TOUMBOU a embarqué le 18 mai 1946 pour MAJUNGA. Il y fera ses premiers pas en tant qu'engagé militaire.

Après six mois de dur labeur, il est nommé première classe. Très vite remarqué grâce à son dévouement et sa bravoure, il n'a pas tardé à accéder au grade de caporal dans le "bataillon comorien mixte de MADAGASCAR". Il était désormais bon pour aller au front. "Nommé au feu" en pleine Insurrection malgache (1947), il a participé à l'attaque de MARTANDRANOU dans le canton de MANDRI TSARA (le fief de TSIRANANA) où la moitié de ces coreligionnaires est tombée sous les coups des assaillants. Ces derniers ayant attendu de 8 heures à 12 heures pour obtenir la reddition du reste du bataillon. Les assiégés n'ont baissé les armes que lorsque l'ennemi a embrasé la maison qui leur servait de refuge. Brûlé dans l'incendie, SAID TOUMBOU, s'en tirera avec les honneurs dûs à ses blessures. Détaché du bataillon des tirailleurs sénégalais où on l'avait intégré entre-temps, il partira le 18 octobre 1950 à la REUNION avec le grade de sergent. Il passera sept ans à la Caserne Lambert où il arborera avec fierté la croix de guerre et la médaille militaire qu'on lui avait décernées après ses exploits dans la grande île.
En 1957, il profite d'une permission à MAYOTTE pour épouser MAMA BOINALI. De retour à l"fle BOURBON, il sera muté sur demande à TAMATAVE, dans le bataillon comorien, comme sergent chef.
Le 19 octobre 1967, après dix sept ans de carrière, le sous-officier SAID TOUMBOU reviendra à MAYOTTE où il verra sa carrière militaire stoppée par un concours de circonstance. En effet, c'est durant ces quatre mois de "congé libérable" que SOUFFOU SABILI l'a embarqué "manu militari" dans une aventure polit!que aux multiples re bondissements. Ainsi l'ancien bourjane devenu adjudant chef entrera dans l'arène politique presque malgré lui. Comme quoi, le destin d'un homme peut se jouer souvent sur un coup de dé. Ne dit il pas lui-même, à longueur de temps, que: "le hasard, parfois, fait son destin".

LA RENCONTRE AVEC SOUFFOU SABILI

"Après le congrès de TSOUNDZOU (1958) BOURRA RAMADANE a écrit à tous les compatriotes Mahorais qui résidaient à l'étranger pour leur demander de soutenir l'action de l'UDIM (union pour la défense des intérêts de MAYOTTE).
Dès que la lettre adressée à ceux qui étaient installés dans la région de TAMATAVE est parvenue à mon domicile, je l'ai portée à la connaissance de mes camarades en leur expliquant qu'un mouvement de solidarité venait d'être créé chez nous et qu'il était de notre devoir d'aider les notables à réussir leur projet.
Naturellement, nous avons tous approuvé l'idée de cotiser pour envoyer le vieux NAHOUDA plaider la cause mahoraise en Métropole. 20 000 F (CFA) ont été réuni que nous avons envoyé à MAYOTTE avec une lettre de soutien.
Très vite SOUFFOU SABILI, le secrétaire général du Mouvement nous a répondu en précisant dans sa lettre qu'il désirait me connaître personnellement.
La même année, je l'ai entrevu à MORONI lors de la présentation des personnalités de l'Archipel au Général DE GAULLE. Ce n'est qu'en 1960 que nous nous sommes rencontrés à DZAOUDZI.
Je me rendais, le dernier jour de ma permission, chez papa ABOUDOU MOULKANJI, l'un des principaux promoteurs de l'UDIM, lorsqu'il m'a stoppé sur le chemin.
Après un bref repas à son domicile, il m'a reconduit sur sa bicyclette à l'aéroport. Il m'a serré la main très fort en disant "à bientôt collègue!"

LE CONGRES DE CHICONI

Je suis revenu deux ans plus tard, le 19 février 1962, en congé libérable.
La population s'apprêtait à élire, dans les mois qui suivaient, les députés à l'assemblée Territoriale des Comores. Quelques jours après mon arrivée, un congrès a été organisé pour désigner les personnes qui iraient représenter MAYOTTE à l'assemblée.
Des négociations étaient menées qui devaient théoriquement aboutir à la présentation d'une liste unique pour l'ensemble de l'lie mais elles sont restées infructueuses. Certains - SOUFFOU SABILI et MARCEL HENRY en particulier- se sont même brouillés à l'issue du congrès.
En définitive, on s'est retrouvé avec trois listes concurrentes. Celle de MARCEL HENRY était composée de: ABDOURAKIB OUSSENI, ABAINE MADI DZOUDZOU et ABDALLAH HOUMADI. ROGER ROSSELIN en avait présenté une également. SAINDOU HAMZA et AHMED MANSOIB, le frère d'AHMED SOILIH, étaient avec SOUFFOU SABILI.
AHMED BOINAHERI avait promis son soutien à ce dernier, mais il s'est désisté pensant que MARCEL HENRY l'emporterait facilement. Il disait que l'équipe de SOUFFOU n'était pas très populaire. C'est devant son retrait que celui-ci est venu me proposer de figurer sur sa liste.
Il a débarqué chez moi à ACOUA en catastrophe dans la nuit. Il m'a demandé mon livret individuel et mes papiers de permission car les inscriptions allaient être closes très prochainement, disait–il.
Quelques jours plus tard on est venu me chercher d'urgence pour aller à DZAOUDZI. Là SOUFFOU et monsieur QUENON, le chef de la subdivision de MAYOTTE (adjoint HAMADA KELE allas AHMED SOILIHI) m'ont présenté les papiers à signer.

Le Préfet soutenait notre candidature.

Il m'a affirmé que tout était arrangé du côté de mon corps d'armée et que j'étais libre de me présenter pour les élections. De retour à ACOUA, un message n'est parvenu de la part de SOUFFOU. Il me demandait de commencer la campagne dans mon secteur

SEPARER MAYOTTE DES COMORES POUR UNE AUTONOMIE FINANCIERE

A l'époque, les gens n'étaient pas très évolués. Donc, il n'était pas nécessaire d'avoir un programme. La propagande consistait seulement à appeler les Mahorais à plébisciter notre liste car nous voulions défendre leurs intérêts. La population a été sensible à ce discours puisque nous avons largement gagné les élections. A la Chambre des Députés nous avons évoqué au tout début la départementalisation mais par la suite, notre action était surtout basée sur la séparation, En fait, nous demandions simplement que le gouvernement Français nous accorde notre autonomie financière. Que MAYOTTE soit détachée des COMORES de façon à pouvoir gérer son propre budget. D'ailleurs SOUFFOU SABILI fut le premier à préconiser l'indépendance de j'lie en association avec la France. Le départ de la Capitale et des Services des Finances avaient entraîné un vide qu'il fallait combler au plus vite car il n'y avait plus de travail sur place. La population s'est trouvée démunie du jour au lendemain. Pour pallier le manque, nous avions fait plusieurs propositions au Gouvernement Comorien -notamment d'installer un détachement de la marine nationale à DZAOUDZI- mais aucune n'a été retenue.
Sur le plan local, l'adversaire politique a exploité l'événement pour faire croire à la population que nous étions d'accord avec les décisions prises à l'encontre de MAYOTTE; or l'affaire a été conclue entre le gouvernement Français et SAID MOHAMED CHEIK sans qu'on ait pris au préalable la précaution de nous prévenir. A l'assemblée, nous n'étions même pas considérés comme des députés et le gouvernement de SAID MOHAMED CHEIK continuait de traiter MAYOTTE comme un parent pauvre.
Après le transfert des bureaux, nous avons fait remarquer à ce dernier qu'à force de spolier la population Mahoraise, il risquait de provoquer une rebellion dans l'lie mais il prenait ça à la légère.
Il disait qu'il avait des rapports avec papa SABILI (le père de SOUFFOU) et d'autres notables qui soutenaient que rien ne se passait de grave et qu'il ne fallait pas s'inquiéter.
Résultat, à sa première visite à MAYOTTE, les femmes l'on reçu avec des jets de pierre.
Après quoi il a décidé de ne plus remettre les pieds, de son vivant, à MAYOTTE.

LE SIEGE DE L'ORTF ET CE QUI S'ENSUIVIT

Plusieurs mois après, en février 67, je suis descendu à LABATTOIR pour toucher ma solde de député lorsque j'ai appris que les femmes occupaient la radio. Je me suis rendu sur place pour essayer, avec l'aide de SOUFFOU, de raisonner les manifestantes mais l'adversaire politique poussait toujours celles-ci à adopter une attitude intransigeante envers nous. Elles se sont dispersées cependant. Vers dix huit heures, on est venu me chercher pour me conduire chez SOUFFOU SABILI. Après la manifestation, le gouvernement comorien avait demandé que nous allions expliquer pourquoi on avait empêché la station de l'ORTF d'émettre mais la population ne voulait pas que nous partions pour MORONI. Nous étions prêts à nous rendre aux forces de l'ordre mais les habitants de PETITE TERRE étaient massés autour de la maison empêchant les gendarmes d'accéder à nous.
Aucune initiative ne nous était permise. Certaines personnes ont affirmé par la suite que les Mahorais avaient agi ainsi dans notre intérêt, soi-disant pour nous éviter la prison. En réalité nous étions séquestrés. Sous la pression de l'adversaire politique- qui voulait éviter qu'on renouvelle une deuxième fois notre mandat car nous étions sûrs d'être élus députés à vie : une fraction de la population a déclaré qu'elle n'était pas satisfaite de notre action aux COMORES. En conséquence, il n'était plus question de nous considérer comme les élus de MAYOTTE.
C'est cet incident qui a provoqué notre détention: Lorsque, nous nous sommes livrés, SOUFFOU SABILI a été condamné né à six mois de prison tandis que SILAHI et moi avons pris quatre mois.
Nous n'étions même pas considérés comme des prisonniers politiques. En fait, on nous assimilait à des détenus de droit commun.
Après sa libération, SOUFFOU m'a fait comprendre que chacun devait suivre sa route car nous étions déchus de nos droits.
Il a voulu s'expliquer devant la population Mahoraise mais on l'en a empêché.
Nos successeurs avaient profité de notre détention pour nous calomnier et s'attirer la confiance des Mahorais.

DU CONGRES DE OUANGANI A LA CRÉATION DU MOUVEMENT DES SERREZ-LA-MAIN.

D'ailleurs au congrès de OUANGANI, on a présenté de faux témoins qui ont contribué à salir la réputation de SOUFFOU. En l'accusant, notamment, de comploter avec les autorités comoriennes.
Quand il a vu qu'il ne pouvait plus occuper la place qui lui était réservée à MAYOTTE, il s'est rallié à SAID MOHAMED CHEIK et a repris ses anciennes habitudes de fonctionnaire comorien.
Après notre éviction de la scène politique mahoraise, nous avons adopté une attitude de stricte neutralité. Mais les nouveaux tenants du pouvoir nous dénigraient toujours. Ils nous taxaient "d'anti-mahorais".
J'ai décidé alors de lutter contre leurs allégations en créant le mouvement des serrés-la-main, partisans du rapprochement avec les Comores.
En 1971, AHMED ABDALLAH- président du Conseil du Gouvernement après la démission du Prince SAID IBRAHIM avait lancé un appel à la population des quatre Iles. Il demandait aux divers partis de se rallier à la nouvelle équipe en place pour reconstituer l'unité de l'archipel des Comores (UDZIMA). Il avait déclaré à plusieurs reprises qu'il condamnait la politique de dépossession qui avait été menée jusque là à MAYOTTE.
Je l'avais rencontré lors d'une visite aux Comores et il m'avait affirmé que ses prédécesseurs avaient incriminé notre île mais que lui au contraire s'engageait à rattraper le retard qu'avait pris MAYOTTE. Pour raffermir notre soutien à ABDALLAH, nous- avons choisi le nom de serrez-la-main qui était detesté parce qu'il présentait l'inconvénient pour les membres du Mouvement de rappeler un resserrement des liens entre DZAOUDZI et MORONI. Le MPM exécrait qu'on puisse parier à MAYOTTE de collaboration avec les COMORES. Il n'y avait pas de démocratie sur place. Un Serrez-la-main était considéré comme un traître alors n'importe quel membre du MPM avait le droit de le piller, l'insulter en publie ou le tabasser carrément. Aucun parti opposant n'était toléré. Ceux qui avaient des idées contraires aux tenants du pouvoir devaient vite se cantonner dans le silence car le chantage et l'intimidation étaient les arguments favoris des sorodats".

POUR QUE NOS PETITS FILS NE MEURENT PAS IGNORANTS!

Quoiqu'ils aient trouvé notre initiative 'fort intéressante", certaines personnes qui ont marqué de leur empreinte le Mouvement des Serrez-la-main ont re
fusé pour des raisons que nous ignorons de répondre à nos questions concernant cette période mouvementée de l'histoire de MA YO TTE.
- "C'était une bonne idée mais je renonce. Voyez plutÔt untel! Il était suffisamment impliqué dans ces affaires pour vous renseigner dans le détail." Malgré notre insistance auprès de ces éminents "Pasocos" (autre nom donné aux Serrez-la-main) dont la plupart étaient candidats à la députation aux élections de décembre 1972, nous avons été ainsi ballotés pendant plusieurs semaines entre la promesse formelle de collaborer et le refus catégorique. Cette démission soudaine était suivie d'une recommandation immédiate à un tiers qui ne manquait pas non plus derenvoyer l'ascenseur à un autre. Soucieux d'informer le lecteur, nous avons suivi le cheminement logique du "système de vases communicants" au risque de retarder la sortie du journal sans plus de succès. Nous voudrions cependant remercier ces 'fervents lecteurs" de nous avoir permis de faire la connaissance de Monsieur ATTOUMANI RIDAYI qui a spontanément accepté de porter son témoignage dans nos pages d’histoire afin dit-il : "que nos petits fils ne meurent pas ignorants".
Commerçant de sa profession, éleveur de volaille à temps perdu, Monsieur ATTOUMANI RIDAYI nous est apparu' dès l'abord comme un militant de base passionné : "j'ai toujours été un Serrez-la-main. Aujourd'hui encore je suis contre le statut de Département." Quoi de plus naturel en ce cas-là d'évoquer en toute simplicité -à l'inverse de ses chefs spirituels qui ont opté pour le silence- les temps forts du Mouvement qu'il soutenait.
Cependant, nous dit-il un rien surpris : "je m'étonne que vous vous adressiez à moi car je n'ai fait que suivre le courant sans connaître les tenants et les aboutissants."
Qu'à cela ne tienne, le plus important n'est-il pas d'avoir le courage de ses opinions et de s'exprimer en conséquence?
"Au temps de SAID MOHAMED CHEIK et de SAID IBRAHIM, il y avait déjà des Serrez-la-main mais ils n'étaient pas très nombreux. Ces derniers n'osaient même pas venir à MAYOTTE mais quand AHMED ABDALLAH a accédé au pouvoir, ça a commencé à changer. Personnellement, j'ai toujours été opposé aux idées des Sorodas. J'étais contre la départementalisation et en faveur de l'indépendance mais je ne militais pas encore. Je n'ai commencé à participer aux réunions des Serrez-la-main qu'en 1972 après que BOURRA MROUDJAE soit venu me demander de l'aider dans sa propagande. Au départ, je devais seulement soutenir sa candidature dans le village de TSINGONI, mais par la suite je le suivais dans tous ses déplacements. La première tournée que nous avons effectuée, c'était à. MZAMBORO. Les habitants ont refusé catégoriquement de nous laisser tenir une réunion dans le village. Ils voulaient même nous expulser mais MROUDJAE leur a expliqué qu'il venait seulement chercher son candidat ABDALLAH TOYIB. Celui-ci hésitait à nous rejoindre car il avait peur de la population. Il s'est présenté finalement et nous sommes partis sans avoir pu nous exprimer. Partout où nous nous déplacions, nous étions reçus de la même manière. Nos réunions étaient toujours perturbées. A KOUNGOU et BANDRELE, par exemple, on nous avait carrément jeté des pierres en signe de bienvenue. Le problème, c'est que nous nous rendions souvent dans un village parce que telle ou telle personne (un Serrez-la-main qui y habitait) nous demandait d'y aller or à l'époque personne ne voulait entendre parler à MAYOTTE d'indépendance. N'empêche qu'avec ces nombreuses tournées, les gens ont commencé petit-à-petit à prêter une oreille attentive à ce qu'on disait. Ils étaient de jours en jours plus nombreux et nous suivre dans nos déplacements. Nous avions la chance d'être aidés matériellement par Ahmed SOULIH, ABDOURAQUIB et SAID KAFE qui mettaient spontanément des voitures à notre disposition. Il y a eu à un certain moment un froid entre ces personnalités et l'équipe de MROUDJAE car ils lui reprochaient de choisir ses candidats uniquement parmi les villageois. En fait ils voulaient pour constituer la liste des Serrez-la-main que MROUDJAE présente des gens à eux tels que SAINDOU HAMZA et consorts. Malgré cela, ils soutenaient toujours notre action.
La propagande consistait à amener la population à voter pour la liste de BOURRA MROUDJAE afin que lui et ses
compagnons ABDALLAH TOYIB, MISTOIHI DARMI et YOUSSOUF SAID aillent demander, comme tous les autres
Députés Comoriens, à la FRANCE d'accorder l'indépendance (UHURU) aux quatre îles. C'était là notre objectif : être indépendant mais dans le cadre d'un statut fédéral et en collaboration avec la FRANCE. Nous essayions d'expliquer aux gens qu'avec .l'indépendance nous formerions un Etat qui serait reconnu dans le monde entier. Que notre pays serait représenté à l'extérieur par des ambassadeurs. BOURA MROUDJAE disait que le plus important pour les Mahorais étaient de pouvoir enfin conduire leurs propres affaires et assumer leurs entières responsabilités sans être colonisés. c'est dans le canton de TSINGONI que nous avions recueilli le plus de voix. Tous les habitants de COMBANI avaient voté pour MROUDJAE. A POROANI et KANI beaucoup de personnes avaient voté également en notre faveur.
Après les élections, notre Mouvement avait perdu un peu de poids. Non seulement nous avions perdu mais en plus nos adversaires nous avaient formellement interdits de nous réunir. il faut les juger disaient-ils ! Comme si nous étions des repris de justice. Selon eux en choisissant de soutenir l'action d'AHMED ABDALLAH et par la même occasion la perspective de l'indépendance pour MAYOTTE nous nous étions rendus coupables d'un forfait vis-à-vis de la communauté mahoraise. Donc pour réparer notre faute ils ,avaient trouver un moyen inb1lIible pour nous faire payer
us exclure de la société. Les résailles se présentaient sous diverses formes. Cela pouvait plier de l'amende qui pouvait atteindre jusqu'à 100 F- comme le Mouvement Populaire Mahorais n'était pas soutenu par l'administration en place, cet gent servait à renflouer les caisses des sections villageoises. Il leur permettait de louer des voitures pour assurer leur déplacement lors des congrès ou alors ils achetaient du riz et de la viande pour préparer un "festin" lors des visites ministérielles- au boycott des commerces, des fêtes religieuses ou populaires. Les plus récalcitrants, ceux qui refusaient de 'payer l'amende, étaient reniés. On ne leur adressait même pas la parole. Personnellement, j'ai versé 100 F pour ma réhabilitation et celle de ma femme ,mais ça n'a pas empêché que ma boutique soit boudée pendant près de quatre mois. Personne ne venait acheter chez moi. Pas plus les Sorodas que les Serrezla-main car ils avaient peur de subir la même répression.
Plus tard, les réunions ont repris. BOURRA MROUDJAE et SOUFFOU SAID avaient tenu un meeting chez'BOURRA RAMADANE à MAMOUDZOU où ils nous demandaient de reprendre la lutte et de continuer dans la voie que nous nous étions tracée.
Quand des Ministres venaient à MAYOTTE, ils nous disaient d'aller les accueillir. De même lorsque AHMED ABDALLAH était en visite nous étions chargés de le suivre dans ses tournées. Nous avons continué de la sorte jusqu'au moment de la séparation des Comores!'
Pro-indépendantiste et pro-comorien. C'est en ces termes qu'on qualifiait le Mouvement des Serrez-la-main. Ce qu'on oublie généralement, c'est qu'il y avait deux tendances au sein de cette mouvance anti-colonialiste. En effet, si l'accession à l'indépendance était un objectif commun, en revanche la position des uns et des autres divergeait quant à savoir quelle attitude adopter vis-à-vis des autres îles voisines dans le cas probable où MAYOTTE ferait partie d'une République Comorienne au même titre que ANJOUAN, MOHELI et la GRANDE-COMORE.
BOURRA MROUDJAE, le leader. de la tendance modérée, souhaitait conserver une certaine autonomie par rapport aux trois autres îles de l'Archipel de façon à ce que les Mahorais puissent gérer leurs propres affaires sans être à la merci des Anjouanais et Comoriens.
Ceux-ci étaient favorables au statut du type fédéral préconisé, par Monsieur BERNARD STASI, Ministre des DOMTOM dont l'avantage était de préserver la personnalité de chaque île.
A l'opposé, les radicaux voulaient cadrer directement leur politique en fonction des aspirations du gouvernement comorien soit : l'indépendance totale et globale sans aucune concession autre que le régionalisme cher à AHMED ABDALLAH. Cette position était celle du clan des amis d'AHMED SOILIHI dont l'entêtement s'expliquait en raison de leur attachement indéfectible aux autorités de MORONI.
D'un côté on refuserait de s'aligner sur les directives du gouvernement comorien, de l'autre on se soumettrait entièrement à celles-ci. L'on manqua de peu la rupture. Mais la FRANCE étant d'accord avec le principe de l'indépendance, les divergences de principe n'avaient plus de raison d'être. De plus, le climat de "guerre civile" - qui régnait à MAYOTTE a rapproché les deux tendances pour n'en former finalement qu'une. le dénigrement des membres du Mouvement Populaire Mahorais (Sorodas résolument départementalistes) à l'égard des Serrez-la-main aidant, ceux-ci ont été contraints de resserrer leurs liens afin "de faire avancer des idées communes à savoir, créer un "esprit de réconciliation" à MAYOTTE et constituer une union durable pour faire face à la période post-coloniale. Cet optimisme qui était teinté d'un mépris certain pour les Sorodas (déboutés dans leurs revendications notamment après la déclaration commune du 15 juin 1973 par le Ministre Français des DOM-TOM Monsieur BERNARD STASI et AHMED ABDALLAH Président du Conseil du Gouvernement - déclaration qui reconnaissait officiellement la vocation des Comores à l'indépendance et prévoyait que celle-ci prendrait effet dans un délai maximum de cinq ans-) allait provoquer la colère des partisans de la séparation des Comores dont la haine à l'égard des Serrez-la-main était à son point culminant. Celle-ci étant entretenue par les visites fréquentes de AHMED ABDALLAH qui soutenait ouvertement la coalition indépendantiste locale grâce à son appareil administratif et policier.

ZAIDOU BAMANA

30 juin 2006

REPARTITION LINGUISTIQUE DE MAYOTTE...

EPOQUE CONTEMPORAINE

Quel est le constat actuel sur cette division linguistique de Mayotte que Jon Breslar contestait il y a vingt ans? Afin de limiter tout risque d'interprétation erronée en voici les termes exacts :
«En s'appuyant sur l'hypothèse qu'on ne parle qu'un dialecte principal dans chaque village, Allibert formule une division linguistique de Mayotte et conclut que « les villages mayottais (c'est-à-dire ceux dans lesquels on parle le dialecte comorien) représentent 61% de la population et les villages malgaches 30% de la population. Qu'est ce qu'un « village mahorais » ou « malgache »? Que veulent dire ces pourcentages? Nos données indiquent, tout d'abord, que les villages de Mayotte, vus comme des entités séparées, dessinent une mosaïque linguistique qui peut se diviser en unités d'un seul ou de plusieurs dialectes.»
Plus avant l'ethnologue américain tout en reconnaissant l'hétérogénéité des villages mahorais, en attribue la cause non pas à une différentiation ethnique mais à l'appartenance ou non au même « kabila » ou au même « m'raba ». Il n'en demeure pas moins que pour des causes diverses qui peuvent être, par exemple, des mariages dans la même section d'un village, en vue de préserver l'unité familiale et ne pas encourager la séparation spatiale des miraba, ou tout simplement dans le souci de ne pas disloquer des parcelles de terres, ces motivations ont eu pour conséquence de renforcer les limites ethniques. Nous verrons plus loin que les fondateurs de certains villages composés d'ethnies différentes tenaient à délimiter, avant toute chose, le quartier assigné à chaque groupe. Ainsi à la fondation de M'tsangamboi (commune du nord de l'île) par un Grand Comorien et un Malgache, chacun des chefs s'établit avec sa famille aux extrémités opposées de la plage, créant deux voisinages dénommés Bushini «là où vivent les Malgaches» et Maorini, «là où vivent les Mahorais". Cet exemple n'est pas exhaustif : de nos jours les villages à dialecte malgache principal constituent l'exception et l'antalaotsi s'est réduit comme peau de chagrin puisqu'il n'est plus parlé qu'à Poroani et Ouangani.
Rappelons que, selon Breslar, dans deux tiers au moins des villages on parlait soit un dialecte bantou principal (mahorais, anjouanais, grand-comorien) soit un dialecte malgache, sakalava ou antalaotsi.
Dans la dernière partie de ce dossier une étude sera consacrée aux causes de l'érosion des parlers malgaches (shibushi). Aujourd'hui de très anciens villages malgaches sont encore disséminés tout au long des zones côtières. La majorité d'entre eux est entièrement malgachophone. En remontant du sud vers le nord, ce sont : Bambo-Est, M'Bouini, Passi-Kely, M'Ronabeja, Kani-Kely, Chirongui, Poroani, Ouangani, Chiconi, Sohoa, M'tsangarnouji, M'tsangadoua, Handrema.
La compréhension du shimaore dans ces villages typiquement malgaches, à défaut de sa pratique, devient une réalité, compte tenu du désenclavement opéré ces dernières années et de l'attraction de la zone urbaine chez les jeunes à la recherche d'emplois.
D'autres villages côtiers sont bilingues à dominante malgache : M'tsamoudou, Bambo-Ouest, Dapani, Kani-Bé, Mavingoni, M'Jago, Handrema. Majicavo Koropa, bilingue il y a quinze ans, avec une population anjouanaise et malgache et Majicavo Lamir autrefois bilingue (shimaore - shibushi) sont aujourd'hui presque entièrement de langue comorienne. Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte, les grands villages de M'tsapéré et Passamainty (Nyambo Titi), autrefois à majorité malgache (et même antalaotsi pour M'tsapéré) parlent majoritairement une langue comorienne de nos jours.
M'zouazia, village classé de langue shimaoré, était malgache et anjouanais entre 1905 et 1910. Le village de Pamandzi, en Petite Terre (l'ancien chef-lieu), a connu en une trentaine d'années un bouleversement spectaculaire. Ancien village malgache, classé comme utilisateur des quatre dialectes en 1978, il est aujourd'hui considéré comme village de langue comorienne. La langue malgache n'est plus utilisée que dans le quartier de Sandravangue par les personnes âgées.
Un particularisme mérite cependant d'être mentionné : c'est à Pamandzi (et surtout dans les quartiers de Mangafouté, Télécom, Cavani, Sandravangue, Jardin et Bandarabassi) que l'on dénombre le plus de familles francophones, jeunes enfants compris, sans distinction d'origine.

30 juin 2006

LES PREMIERS OCCUPANTS DE MAYOTTE...

A LA RENCONTRE DES PREMIERS OCCUPANTS DE MAYOTTE

IMPLANTATION DES MALGACHES DANS L'ILE

Si vous demandez aux jeunes Mahorais pourquoi certains dialectes de Madagascar ne sont utilisés qu'à Mayotte et non pas dans les trois autres îles de l'archipel, la réponse sera inévitablement « à cause des incursions de pirates Zana Malata». D'autres attribueront ce particularisme à l'arrivée d'Andriantsoly et de ses partisans à Mayotte.

Différents auteurs, et non des moindres, réfutent pourtant ces deux théories et s'opposent par la même occasion à la tradition commune des lettrés locaux qui ne voient dans les « Wabushi » que des immigrés récents. Ainsi Jean-Claude Hébert, l'historien bien connu des Mahorais, développe ainsi son argumentaire « Les Malata ces pirates malgaches venus razzier Mayotte ainsi que les autres îles Comores de 1792 à 1817, et venus pour l'essentiel de leurs troupes de la côte Est malgache, n'emmenaient pas de femmes avec eux et n'avaient nul désir de s'installer dans l'île... Ces pirates n'ont pu, en conséquence, laisser de traces manifestes. Ils n'en ont laissé ni à Anjouan, ni à la Grande Comores, et l'on voit mal pourquoi il en aurait été différemment à Mayotte. Même s'ils ont eu des enfants naturels sur place, ces derniers n'ont pas pu connaître leur père, et l'on ne comprendrait pas comment, dans de telles conditions ils auraient pu apprendre la langue shi-bushi. Il faut donc se rendre à l'évidence : il existait une population shi-bushi (sic) avant les invasions malgaches aux Comores et avant l'arrivée d'Andriantsoly. Peut-être même, ce dernier a-t-il choisi de se réfugier à Mayotte plutôt que dans l'une des trois autres îles parce qu'il savait y trouver des congénères malgaches capables de le bien accueillir, principalement dans le milieu antalaotsy ».
La même argumentation est valable, selon l'auteur, au sujet des partisans sakalava d'Andriantsoly qui ont dû prendre des femmes mahoraises en arrivant à Mayotte et se sont fondus dans la population en place. Leurs enfants n'ont pu, selon toute logique, former la population Mbushi.
On ne doit pas non plus oublier que les razzias malgaches -la tradition retient d'ailleurs qu'il s'agissait de Betsimisaraka et de métis portugais/sakalava concernaient aussi la Grande Comore et l'île d'Anjouan. Cette dernière est certainement celle qui en a le plus souffert. La grande cité de Domoni, ancienne capitale des sultans, était la clé de la côte orientale. Dans une position très forte c'est elle qui défendait Anjouan contre les incursions des guerriers malgaches. En cas d'alerte, dès que les pirogues de l'ennemi étaient en vue, les gens battaient le tambour de guerre. A ce signal: les bouviers et les bergers des environs venaient abriter leurs personnes et leurs troupeaux dans la vaste enceinte de la cité protectrice. Détruite en 1790, il ne reste plus de l'ancienne splendeur de Domoni que des mosquées en ruines et quelques nobles demeures délabrées.
En 1805, toujours à Anjouan, les pirates envahissent Iconi après des combats de plusieurs jours. Le fameux Karibangwe, un personnage entré dans la légende, extermine à lui seul trente-huit assaillants avant d'être tué à son tour. Les femmes de la ville, réfugiées sur le cratère voisin, se jettent du haut de la falaise dans la mer, pour ne pas être emmenées en esclavage.
A Mohéli, c'est l'histoire de la royauté qui est fortement liée à celle de Madagascar, parce que l'île a eu une dynastie régnante originaire de la Grande île. La tradition retient également que certains villages sont d'origine malgache. Et pourtant on ne trouve pas dans cette île de locuteurs malgachophones.
Après le décès survenu le 28 iuillet 1828 du roi de Madagascar, Radama 1er, les intrigues de cour évincèrent le prince Rakoto, neveu du défunt, au profit de la première femme de Radama qui prit le nom de Ranavalona. Cet événement fut suivi du massacre systématique de la parentèle du souverain défunt. L'un de ses cousins Ramanetaka parvint à échapper au carnage et on le retrouve occupant le trône du sultanat de Mohéli en 1833 et sous le nom de sultan Abderrahman à partir de 1835.
La tradition rapporte que quelques mois avant sa mort survenue en mars 1841, Ramanetaka fit reconnaître comme son successeur, sa première fille qui avait à la fois un prénom malgache malgache, Soudi, et un prénom arabe, Fatima. Djoumba, princesse Fatima inspira une littérature abondante du fait de son étonnante personnalité, perpétuellement tiraillée entre les influences fançaise et arabe. Un comportement étrange, aux dires de ses contemporains que d'aucuns n'hésitaient pas à qualifier de cas pathologique ou de duplicité. Pour d'autres ce n'était là que « sensiblerie capricieuse de femme ".

(Cf Jean Martin - Comores quatre îles...)

30 juin 2006

ORIGINES DES MAHORAIS...

LE CANAL DE MOZAMBIQUE SENTIER DES BOURLINGUEURS

" MAHORAIS" UNE APPELLATION NEBULEUSE

C'est l'ethnologue américain Jon Breslar qui l'affirme dans une étude réalisée en 1978 intitulée : Une perspective ethnologique . Je cite:« Mahorais » est une appellation nébuleuse et composée qui, selon le contexte, peut signifier ou non la fusion de plusieurs groupes raciaux, culturels et linguistiques... Ce diagramme, (qui) comprend les peuples de trois catégories raciales (africaine, asiatique, et méditerranéenne) et trois familles linguistiques (bantu, sémitique et malayo-polynésienne)... Les crochets (NDLR : guillemets), par exemple, indiquent que les premiers Mahorais étaient distincts du point de vue ethnique des émigrés shiraziens et africains. Quelques siècles plus tard (sinon plus tôt) ils sont tous devenus « Mahorais ", par contraste avec les envahisseurs malgaches. Lorsque les Français annexèrent Mayotte, toutes les populations ci-dessus étaient mahoraises, par contraste avec la population européenne ".
Mais à quels groupes ethniques appartenaient ces premiers Mahorais distincts, nous dit-on, des Shiraziens et des Africains ?

DES THEORIES QUI NE FONT PAS L'UNANIMITE

Tenter de retrouver les caractéristiques raciales et linguistiques des premiers occupants de Mayotte dans le but de préserver la mémoire, est une entreprise plutôt aléatoire, compte tenu de la véritable mosaïque de peuplades qui se sont croisées, rencontrées, affrontées et métissées dans le canal de Mozambique, antérieurement au IXè siècle, et aussi parce que les sources écrites sont rares. La tradition orale qui tient une place prépondérante dans toute quête identitaire, n'est cependant pas entièrement fiable, la mémoire humaine étant infaillible et, de plus, un siècle ou deux plus tard, elle a de fortes chances d'être sélective.
D'autant plus que les hypothèses contradictoires et les opinions radicales de certains historiens, par le passé, n'ont fait qu'entretenir la confusion. Certains réfutent ce qu'ils affirmaient péremptoirement il y a quelques années. D'autres sont contestés aujourd'hui par leurs confrères qui se réfèrent à d'autres découvertes. Les quelques exemples qui suivent en sont l'illustration:
- L'hypothèse de l'arrivée des premiers locuteurs malgaches dans l'île, seulement au début du XVIè siècle, est battue en brèche :
De récentes études réfutent la migration mythique à Mayotte, vers 1505, à partir du Boëny malgache, du prince sakalava Diva Mame accompagné de ses troupes. Selon la tradition, les nouveaux arrivants auraient débarqué dans une baie au sud-ouest de Mayotte, à laquelle ils donnèrent le nom de Bouéni, en souvenir de leur patrie. Ensuite, ils auraient fondé un village, qu'ils appelèrent Koilé.
Ce récit, rapporté par le procureur impérial Gevrey - premier Européen a avoir écrit un ouvrage sur l'archipel des Comores - dans Essai sur les Comores (1870), repose sur une tradition orale recueillie par le Cadi Omar Ben Aboubacar dans un
manuscrit rédigé en swahili. L'historien Jean-Claude Hébert le qualifie d'éminemment suspect (4) . Il y relève un certain nombre d'incohérences énumérées ci-dessous, propres, selon son analyse, à semer le doute sur la véracité des faits :
. La dénomination des migrants est un anachronisme car le terme ethnique « sakalava» n'apparaît que vers 1700.
. En outre il n'est pas certain que le mot diva soit d'origine malgache. Diva est le nom générique donné par les Indiens aux îles de l'océan Indien (Maldives, Laquedives), du mot sanscrit diva, « l'île ».
. L'historien s'étonne aussi du nom de Koilé, donné au village nouvellement fondé - dont il ne reste d'ailleurs aucune trace- le toponyme n'étant pas malgache mais africain. Il aurait été plus simple pour les immigrés, observe-t-il àjuste titre, de donner au village le même nom qu'à la baie. Si migration, il y a eu, les nouveaux arrivants n'étaient pas des Malgaches.
J.C. Hébert en déduit qu'il y aurait ici, semble-t-il, confusion dans la tradition et interférence entre la princesse Main Kwalé, soeur de Main Tsingo, à qui l'on attribue la fondation du village de Kwalé, près de la rivière du même nom (Nord-Est de l'île), et Diva Mamé, héros de l'épopée contestée.
Mais l'argument massue est que l'épopée de ce prince est ignorée des traditions sakalava.
Il semblerait donc que la tradition orale ait pris naissance de l'homophonie des deux baies, l'une à la côte malgache, l'autre sur le littoral sudouest de -Mayotte. Bwé étant un mot swahili signifiant « pierre » et ni étant la particule indiquant le locatif, Bwéni a le sens de « là où il y a des pierres » (ou des rochers).

30 juin 2006

DONNEES DEMOLINGUISTIQUES...

La population, qui est estimée à 170 000 habitants, représente un certain brassage ethnique. En effet, la population est composée de Mahorais, l’ethnie principale, ainsi que d’Indiens, de Noirs africains, de Malgaches, de métis et de Blancs appelés M'Zungu (sing.) et Wazungu (plur.). Les Mahorais de Mayotte parlent le mahorais appelé shimaoré dans une proportion de 61 %, mais aussi la variété linguistique de la Grande-Comore, le grand-comorien ou shingazidja; celle de Mohéli, le mohélien ou shimwali; et celle d’Anjouan, l’anjouanais ou shindzuani; ce sont toutes des langues comoriennes dérivées du swahili appartenant à la famille bantoue; d’ailleurs, la plupart des langues parlées dans le sud de l’Afrique appartiennent à cette même famille.

Les langues comoriennes appartiennent au sous-groupe du bantou oriental, lequel comprend également le swahili. Le foyer originel des langues de ce groupe serait situé au Kenya; par la suite, chacune d’elles évolua différemment au gré des mouvements migratoires entre le continent et les îles comoriennes. À partir de la colonisation française, les langues comoriennes et le swahili se sont différenciés progressivement au point où l’intercompréhension est devenue difficile. Les Mahorais scolarisés ont le français comme langue seconde.

Les Malgaches forment la minorité la plus importante; ils parlent le malgache sakalava (26 %) ou le malgache antalaotsi comme langue maternelle et généralement le mahorais ou le français comme langue seconde; le malgache fait partie des langues de la famille austronésienne.

Quant aux Indiens, ils constituent une minorité musulmane shiite de rite ismaélien et parlent entre eux le goujarati, une langue indo-iranienne (famille indo-européenne). Pour leur part, les Noirs africains utilisent le swahili (2 %), mais connaissent aussi le mahorais, parfois le français.

Les Blancs ou Wazungu ne connaissent généralement que le français (1,6 %). On compte aussi une toute petite minorité de Métis créolophones descendant des Noirs ou des Blancs originaires de l’archipel des Mascareignes (île Maurice, île Rodrigues et île de La Réunion). On estime que 35 % des insulaires parlent le français comme langue seconde.

La très grande majorité des habitants de l’île pratique l’islam animiste (97,1 %); il ne reste que 2,9 % de chrétiens (Blancs et Métis). En raison de l’importance de l’islam, Mayotte possède deux systèmes de lois dont l’un est en français, l’autre en arabe classique: d’une part, le droit pénal français et, d’autre part, le droit comorien traditionnel islamique qui comprend le droit foncier et le droit civil. Ce sont les cadis, des juges musulmans exerçant des fonctions civiles et religieuses, qui appliquent le droit comorien. Les citoyens de Mayotte peuvent choisir le droit commun français, mais en ce cas ils doivent renoncer à la polygamie autorisée par le droit comorien. En 2003 a été votée une loi qui interdira à terme la pratique de la polygamie.

On compte deux villes importantes à Mayotte: la capitale, Mamoudzou, avec 31 000 habitants dans la Grande-Terre, et Dzaoudzi avec 19 000 habitants dans la Petite-Terre (recensement 2002 de Mayotte).

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